temps de lecture: 25 mn

Désormais outsider

L'Histoire de la GameCube, chapitre 1

C’est un moment étrange dans l’histoire de Nintendo. Auparavant maître des lieux, l’entreprise s’est fait déloger par l’arrivée en fanfare du partenaire d’autrefois, Sony, avec le succès monstre de sa PlayStation. C’est alors acté, Nintendo ne domine plus le marché des consoles de salon et doit reconstruire son aura. Revenir sur les erreurs d’antan, mieux penser sa stratégie, s’appuyer sur ses forces intactes pour les faire briller plus que jamais. Et finalement plonger dans un océan d’incertitude, sans vraiment réussir à saisir l’étendue de celui-ci. La GameCube est autant l’histoire d’une introspection sur sa propre philosophie qu’un combat raté pour l’imposer au monde. C’est l’histoire de ce qui était alors – cas particulier du Virtual Boy mis de côté – le plus grand échec commercial de Nintendo. L’histoire d’errements, pour mieux trouver sa voie naturelle. C’est une machine qui, à bien des égards, préfigure les trois générations suivantes de Nintendo, tout en étant finalement trop éloignée de l’identité voulue par l’entreprise. Car c’est aussi, au fond, la dernière console de Nintendo à jouer véritablement sur le même terrain que ses concurrents.

Préparatifs

Le 24 août 2000. La presse jeu vidéo du monde entier est présente au Makuhari Messe, à Chiba, non loin de Tokyo, au même endroit où eut lieu, six mois plus tôt, le PlayStation Festival 2000. C’est là que Nintendo établit son salon annuel, le Space World. Celui-ci, toutefois, ne débute en réalité que le lendemain. On est alors en fin d’après-midi et le hall est organisé de manière spéciale pour la veille de son ouverture au public : c’est une conférence qui s’y tient, avec pour principal objectif de dévoiler la GameCube.

Dans l’industrie, on attend ce moment depuis plus d’un an. Pour être précis, cela fait quinze mois depuis l’annonce initiale du « Projet Dolphin ». À l’époque, la Dreamcast venait de sortir au Japon et préparait son lancement occidental, tandis que la PlayStation 2 n’avait pas encore pleinement été dévoilée, bien qu’étant déjà au cœur des discussions. Un an plus tard, la Dreamcast est disponible dans le monde entier et se prépare pour son Noël de la dernière chance. La PlayStation 2 a fait un démarrage record au Japon et s’apprête à investir l’Occident. Et Microsoft a même officiellement dévoilé son projet pour s’introduire sur le marché avec une certaine « X-Box ». Et pendant tout ce temps, c’est un quasi-silence radio de la part de Nintendo.

Et déjà, des promesses non tenues. Lors de l’E3 1999, Nintendo parlait d’un lancement mondial pour la fin d’année 2000. Aux yeux du PDG de l’entreprise, c’était comme un prérequis pour pouvoir luter face à la concurrence. On demandait ainsi à Hiroshi Yamauchi si le fait d’arriver après la PS2 ne serait pas un problème, et il se voulait rassurant. « Nous aimerions sortir la Dolphin non loin de la PlayStation 2, affirmait-il fin 1999. Mais comme nous visons la saison de Noël 2000, je ne pense pas que l’écart de temps soit vraiment un handicap1. »

Hiroshi Yamauchi

Déjà des retards

Le directeur des relations publiques, Hiroshi Imanishi, revenait déjà sur les ardeurs du PDG au cours du printemps 2000. « En interne, les deux consoles sont prêtes, mais comme à chaque fois avec Nintendo, le hardware est fait, mais pas le software. Miyamoto dit toujours : “Oh, nous ne sommes pas encore prêts2.” »

Qu’importe pour Yamauchi, alors âgé de 72 ans, qui joue son vieux disque en boucle en ne manquant pas de placer des tacles envers la concurrence dès qu’on lui en laisse l’occasion, quitte à exhiber de plus en plus son esprit de vieux réactionnaire aigri. « Microsoft est une entreprise incroyable, mais qui ne connaît rien au jeu vidéo3 », balance-t-il après avoir fait preuve de mépris envers le public de la PS2, qu’il présente, de manière péjorative, comme des personnes qui se teignent les cheveux et fréquentent le quartier d’Akihabara.

Et puis voilà que le patriarche, esquivant les questions de plus en plus fréquentes où on lui demande quand va-t-il enfin partir à la retraite, se met à inquiéter pas mal de monde en sous-entendant un possible abandon face à la PlayStation, seulement quelques jours avant le Space World. « Nous prenons nos distances par rapport à la concurrence intense du marché des consoles de salon. La stratégie de Nintendo consistant à produire des succès infaillibles à partir de quelques titres ne fonctionne pas. Nous prendrons du recul par rapport à la guerre des consoles et nous concentrerons plutôt sur le marché dominant des consoles portables4. »

Entre temps, les dates de reports se sont vues confirmées par le constructeur, dès le début du printemps : la Dolphin ne sortira qu’au cours du premier semestre 2001 en Amérique, et six mois plus tard en Europe. Mais à cet instant, il est sous-entendu que la machine arrivera bien sur l’archipel avant la fin d’année 2000. Progressivement, plus personne n’y croit. « Dans la mesure où l’entreprise n’a toujours pas montré une seule image ou un prototype à la presse, ce report n’est pas très surprenant5 », souligne GamePro dans son numéro de juin 2000. Mais qu’importe. En ce traditionnel mois d’août chaud et humide sur l’archipel, tout le monde est impatient d’avoir droit, enfin, aux premières véritables images de jeux. Et avec une conférence qui commence en retard, pour changer.

Le Space World 2000, lors de son ouverture au public, propose uniquement de jouer à la N64 et la GBA.

L’instant tant attendu

« L’excitation est palpable, raconte Edge. Des journalistes et représentants de l’industrie du monde entier courent partout pour parler à des connaissances, pointant du doigt diverses zones de la salle. Parfois, la scène rappelle remarquablement ce que vous imagineriez comme un voyage scolaire à Disneyland. Mais, finalement, chacun prend sa place et alors l’urgence des instants précédents est nettement remise en perspective. Comme souvent avec Nintendo, le monde doit attendre6. »

Atsushi Asada

Si ce n’est pas Yamauchi qui fait le discours d’ouverture, c’est son nouveau bras droit, Atsushi Asada, ancien de Sharp et vice-président du conseil d’administration, qui le remplace pour l’exercice. Il commence son blabla, souligne que depuis 10 ans, il y a chaque année des articles pour parler d’une crise chez Nintendo. « Et pourtant, fait-il remarquer, même en ces temps de difficultés économiques, cette mystérieuse entreprise a réussi à continuer à augmenter régulièrement ses ventes et ses bénéfices7. » En gros, il explique que non, Nintendo ne va pas mourir.

Et il sort la Game Boy Advance de sa poche, dévoilant au monde à quoi elle ressemble. Ah oui, parce que, vraiment, le programme est chargé. Il ne s’agit pas seulement de présenter la GameCube, mais aussi la Game Boy Advance. Mais personne n’est dupe. Ce que le public désire par-dessus tout, ce n’est pas de découvrir la nouvelle console portable, mais bien celle de salon.

Le monde découvre la GameCube.

Les choses sérieuses commencent

Deux hommes à l’air grave, avec une étrange tenue en cuir, débarquent sur la scène, déplacent une sorte de boîte géante, en apparence vide, d’où sortent finalement, dans un nuage de fumée, cinq femmes avec un accoutrement similaire, chacune tenant une GameCube d’une couleur distincte. Passée une séance de shooting des machines, Asada enchaîne avec une vidéo compilant diverses démos techniques. Cela commence par Miaouss, entouré d’autres Pokémon, en train de jouer de la guitare, laissant l’assistance de marbre. Mais très vite apparait Wave Race, qui fait bien mieux réagir le public. Et puis… Samus. « À chaque démo, le public hurlait et applaudissait, témoigne Consoles Plus, mais pour [Metroid], ce fut le délire8 » Pour NextGen, c’était « Le clou du spectacle9 ».

Les applaudissements n’en finissent toutefois pas là. Après des images d’un Star Wars, c’est l’affrontement entre Ganondorf et Link de Zelda qui fait sensation, puis le premier aperçu du futur Luigi’s Mansion, et enfin une simple modélisation de Joanna Dark, de Perfect Dark. « Sans aucun doute, avec une vidéo d’à peine deux minutes, Nintendo a exploité de manière spectaculaire la puissance de ses séries et a livré un coup de poing avec la force de 20 ans d’histoire riche en personnages, analyse NextGen. Le coup retentit toujours dans les oreilles des dirigeants de l’industrie du jeu vidéo, des semaines après l’annonce10. »

Genyo Takeda, producteur de la GameCube, arrive pour donner des détails sur la console et ses périphériques. « Notre objectif est de créer le matériel ultime pour jouer à des jeux, annonce-t-il. L’origine du concept de la GameCube est venue de notre introspection11. »

Il reconnaît l’échec de la Nintendo 64, le fait qu’elle était trop compliquée à programmer. La GameCube sera tout l’inverse, assure-t-il, et se doit d’être pensée pour faciliter au mieux le développement. Il évoque le support disque, le format de mini-DVD procuré par Panasonic, et s’emballe un peu, imaginant que cela deviendra un standard. Il parle du hardware, parle du modem, proposé sous forme d’accessoire. « La GameCube combinera le design d’excellence mondiale de Nintendo avec les licences de personnages populaires, et avec l’expansion du jeu en réseau12 », promet le haut responsable des consoles Nintendo. On découvre la possibilité de connecter la Game Boy Advance avec la GameCube, sans démonstration concrète.

Genyo Takeda, producteur de la Nintendo 64 et la GameCube.

Place à la star

Enfin, c’est au tour de Shigeru Miyamoto, pour pratiquer deux démos. Luigi’s Mansion lui permet de présenter la manette. Elle est retranscrite dans le jeu et réagit, ainsi qu’un fantôme, à chaque commande que fait le producteur en direct. « Cette manette GameCube est celle sur laquelle j’ai passé le plus de temps pour la concevoir, expliquera ensuite Miyamoto. Même un débutant qui n’a jamais touché de manette peut l’utiliser, votre grand-mère peut l’utiliser ou les enfants avec de petites mains peuvent l’utiliser. Je pense que cela fait déjà environ trois ans que j’ai commencé à travailler sur la conception de cette manette13. »

Shigeru Miyamoto

Elle n’est pas encore dans sa version définitive, mais exhibe déjà l’une de ses idées phares : hiérarchiser les quatre boutons principaux, où la A prend une place prépondérante pour rendre plus intuitif le fait que c’est le plus important. « J’aimerais créer un jeu où vous pouvez vous amuser simplement en appuyant sur ce seul bouton14 », s’exclame le créateur. Un prototype de la manette, révélé plus tard par erreur, montrera que l’entreprise envisageait initialement de se passer de la croix directionnelle pour mettre à la place le bouton start, alors rouge. Dans la version définitive, les codes couleur vont évoluer, et le bouton B, pour se démarquer des boutons X et Y, reprendra une forme ronde, accentuant la hiérarchie.

L’évolution de la manette GameCube : à gauche, le premier prototype diffusé chez les développeurs ; au centre, le modèle présenté au Space World ; à droite, la version définitive.

Sur le moment, la réception envers la manette n’est pas excellente. Tout comme, d’ailleurs, l’apparence de la machine. Dans sa traditionnelle discussion entre membres de la rédaction, retranscrite à la fin de chaque numéro, EGM ne mâche pas ses mots. « Je n’arrive pas à surmonter l’horrible design de la manette, clame l’un d’eux. On dirait que Batman a laissé tomber une Dual Shock dans une cuve d’acide. Cette chose me donne des cauchemars15 ! » Son collègue abonde dans son sens, avant qu’un autre vienne, très légèrement, au secours du pad GameCube. « Arrêtez de vous en prendre à cette pauvre manette. C’est vrai qu’elle ressemble à un tas de merde, mais attendez de l’essayer avec un jeu avant de cracher sur elle16. » En l’occurrence, personne ne pourra mettre la main dessus lors du Space World.

Miyamoto fait toutefois davantage consensus avec son autre démo : Mario 128. Une pure démo technique interactive, qui permet de démontrer les capacités du hardware. On y voit un total de 128 Mario qui se déplacent et agissent dans tous les sens, sans problème pour tous les afficher. Le producteur contrôle tout un tas de paramètres, modifiant en temps réel le décor ou même l’apparence de l’armada de plombiers, qui d’un seul coup ont en rendu en cel-shading, puis deviennent transparents.

Applaudissement général

Pour les journalistes, c’est une réussite « Nous sommes TRÈS enthousiasmés par ce que nous avons vu17 », déclare CVG. Certaines choses font particulièrement mouche. Pour NextGen, Luigi’s Mansion est « le chef-d’œuvre technique de la conférence18. » Edge souligne ce triomphe. « Et pourtant, analyse avec un peu de recul la publication britannique, en réalité, tout le monde devrait se rendre compte que rien n’a été montré. Bien sûr, les démos étaient impressionnantes. Mais l’une d’entre elles a-t-elle donné des détails sur le gameplay ? Non19. »

Nintendo ne le cache pas. Au contraire, c’est assumé, et même martelé : tout ce que vous avez vu, ce ne sont pas des jeux, uniquement des démos techniques. Pour les jeux, il faudra attendre l’E3 2001. Miyamoto insiste. Le lendemain, dans une table ronde dédiée à la presse occidentale, il ouvre la séance de questions-réponses en rappelant bien qu’il ne pourra pas parler des jeux en développement. Quand on l’interroge sur le Metroid de la GameCube, il s’en amuse. « Qu’est-ce qui vous dit que Metroid sera sur GameCube ? Il n’y a rien qui dit que c’est un jeu Metroid. À l’E3, comme vous le savez, beaucoup d’entre vous m’ont demandé ce qui se passait avec Metroid, pourquoi on n’a pas fait de Metroid sur N64, quand est-ce qu’on aura un Metroid, et si, et ça. Peut-être que c’est la raison pour laquelle on vous a montré une vidéo hier20. »

Aucun jeu, et aucun prix annoncé non plus. Une date de sortie relativement vague. Juillet pour le Japon, octobre pour l’Amérique. Quant à l’Europe, il y a bien une mini-conférence organisée sur place par Nintendo of Europe, avec Satoru Shibata (PDG de NoE), David Gosen (directeur marketing de NoE) et Jim Merrick (directeur technique de NoA), mais sans apprendre grand-chose de concret : pour la date européenne, il faudra attendre. Elle ne sera révélée qu’un an et demi plus tard.

La philosophie de la GameCube

Le truc, avec ce Space World, c’est qu’il ne s’agit pas de lancer la véritable campagne de communication de la GameCube, mais en réalité de s’adresser surtout aux tiers. « En fait, Nintendo ne pense pas uniquement en tant que Nintendo-tout-seul, même si ça peut avoir l’air d’être le cas, assure Miyamoto. Ce que nous faisons – ce qui est très important – c’est que Nintendo déclare au monde et aux éditeurs tiers : “voilà ce que nous faisons.” Nintendo va montrer ce que cette nouvelle technologie peut faire et ne peut pas faire. Les autres constructeurs disent : “Écoutez, on a le hardware, mais nous n’allons pas prendre la responsabilité pour ce qui en ressortira.” Nintendo est différent. Nous allons devenir responsables de la qualité du hardware, parce que nous allons développer le software pour ce hardware. Ce qui veut dire que nous avons déjà conçu un système qui va vous apporter de l’argent, parce que nous allons gagner de l’argent de la même manière. C’est très important21. »

Les démos ne servent pas à montrer un catalogue de jeux, elles servent à montrer un potentiel technique. Le discours, lui, sert surtout à montrer la philosophie derrière la conception de la machine. Un hardware qui, on l’a vu, se veut surtout accessible, où la programmation est facile, bien plus que sur une PlayStation 2 qui accumule les critiques à son égard. « La PS2 est largement plus difficile [à programmer] que la Saturn22 », se plaignait déjà, quelques mois plus tôt, Shinji Mikami, créateur de Resident Evil. Quelqu’un qui, parmi les hauts placés de l’industrie, deviendra l’un des plus conquis par l’orientation de Nintendo.

Ce qui amène un propos inédit, même pour Nintendo : peu importe d’être la plus puissante, considère le constructeur. Dans les spécifications révélées par l’entreprise, un détail à son importance, tant il est devenu un outil de mesure privilégié par la presse à l’époque : le nombre de polygones affichés par seconde. Nintendo annonce entre 6 et 12 millions, ce qui est nettement moins que les concurrents.

De nombreuses publications utiliseront cela pour conclure que la GameCube est, Dreamcast mise de côté, la moins puissante de sa génération. Ainsi d’Edge, au moment de la sortie de la console : « Sur le papier, la GameCube est citée comme étant capable de générer quelques 12 millions de polygones par seconde – une faible performance en comparaison des 66 millions pour la PS2 et 116 millions pour la Xbox23. » Certains magazines iront même jusqu’à parler de 300 millions pour la Xbox.

« D’après mon expérience, il y a régulièrement des affirmations théoriques de hautes performances pour les consoles de jeu, et bien que les gens ont été très impressionnés par les chiffres, les produits réels n’ont même pas livré un dixième de ce qui avait été promis24 », se défend Miyamoto. Le directeur technique Jim Merrick en rajoute une couche : « L’exemple de la PlayStation me paraît assez symptomatique d’un problème actuel. Sony nous annonçait plus de 50 millions de polygones à la seconde, mais ceci ne sert à rien si vous ne pouvez pas vous en servir réellement pour les jeux25. » En l’occurrence, les programmeurs auront tendance à juger qu’en conditions de jeu réelles, il faut compter un peu moins de 5 millions de polygones pour la PS2, tandis que les chiffres avancés par Nintendo pour la GameCube correspondent davantage à la réalité, finalement similaire à ce que permet également la Xbox.

Mais il faut dire que Nintendo souhaite tellement sortir de cette course à la puissance, qu’eux-mêmes encouragent l’idée qu’ils sont à la traîne. « Si vous demandez si c’est la machine qui propose le meilleur rendu graphique, même là nous dirons non, déclare Miyamoto. Mais du point de vue de la création de jeux vidéo et du point de vue des créateurs de jeux qui conçoivent des sons ou utilisent la détection de collisions ou font des effets d’animation, à l’arrivée, c’est la machine de jeu la plus équilibrée, c’est pourquoi nous disons que c’est la machine de jeu ultime. En outre, en termes de coût de la puce associée à la machine, il s’agit d’une console révolutionnaire26. »

Et parfois, le discours fait mouche. Edge est sous le charme. « Maintenant que la technologie des jeux vidéo s’est stabilisée au point où les créatifs peuvent se concentrer sur le contenu, et pas seulement sur la contrainte d’avoir des polygones pour la représenter, Nintendo n’est plus intéressé par une bataille pour fournir le kit de génération d’images le plus puissant sur le marché, et n’a jamais été autant concentré pour fournir le contenu qui répond – ou, plus important encore, qui change – les attentes des joueurs actuels, de plus en plus cyniques27. »

L’aperçu du catalogue

Le discours de Nintendo ne s’arrête pas à cela. C’est le refrain bien connu que joue Miyamoto : ignorer le multimédia pour se concentrer uniquement sur le jeu vidéo (et donc se passer de la possibilité de lire des films), faire du jeu familial qui plait autant aux enfants qu’aux parents, et chercher l’originalité, toujours, car c’est ce qu’il y a de plus en plus important. Un dernier aspect qui passe notamment par l’annonce d’une connexion avec la Game Boy Advance, ce qui deviendra plus concret par la suite.

Mais au mois d’août 2000, ce que retient avant tout la presse, et malgré ce qu’en dit Nintendo, c’est un catalogue. C’est alors la force principale de la proposition de l’entreprise face à ses concurrents. Mario, Luigi, Zelda, Pokémon, Wave Race, Metroid, Perfect Dark, Star Wars, Banjo-Kazooie. Plus que l’innovation, c’est voir de nouvelles versions sublimées de ces licences qui fait sensation, et laisse un public rêveur en attendant l’E3 2001.

IGN refuse ainsi de croire la communication officielle, voulant que tout ceci ne fût que des démos techniques. « Voyons ! Ce que nous avons vu au Space World, c’était presque tous les titres GameCube en développement et ne laissez personne vous dire le contraire, pas même Nintendo28. » Il faut dire qu’après la conférence, il y avait tout un tas de présentations individuelles de démos, y compris de certaines absentes de la conférence, en présence de développeurs qui parfois révèlent des choses.

LucasArts confirme ainsi que son Star Wars est une suite à Rogue Squadron en cours de développement. Silicon Knights, un studio partiellement financé par Nintendo et déjà au travail sur un Eternal Darkness prévu pour sortir sur Nintendo 64 à la fin de l’année, présente une vidéo précalculée de Too Human, un projet autrefois envisagé sur PlayStation et désormais prévu sur GameCube. En outre, bien que de manière officieuse, la presse apprend bien vite qu’un Metroid est effectivement en gestation chez le tout jeune Retro Studios et un Wave Race chez NST, la branche américaine du développement first-party de Nintendo. Mais impossible d’obtenir la moindre confidence de la part des Japonais.

Reste la supposition prônée par IGN : bien que Nintendo prétende le contraire, de telles démos sont forcément basées sur des projets existants. Comme Zelda, par exemple, qui met tout le monde d’accord. CVG s’emporte. « Allez, regardez, REGARDEZ ÇA !!!!!! Est-ce que ça ne vous explose pas les yeux par sa splendeur graphique ? On le veut29 ! » Le Nintendo Magazine anglais est admiratif. « Aucune console Nintendo ne serait complète sans l’aventure d’un Zelda, et il semblerait que la GameCube aura la meilleure de toutes. Les héros de Nintendo n’ont jamais été aussi beaux30 ! » IGN est impatient. « C’est absolument tout ce que nous pouvions espérer pour un Zelda sur GameCube. […] C’est bien plus joli que tout ce que vous avez vu et c’est bien plus sombre que n’importe quel Zelda auquel vous n’avez jamais assisté31. »

Ouais, eh bien… on va en reparler.

 

 

Pour contribuer au financement et à la croissance de Ludostrie, ainsi qu’obtenir l’accès à l’intégralité des articles du site, rendez-vous ici. Pour un aperçu plus complet de ce que propose Ludostrie, rendez-vous sur cette page afin de découvrir tous les articles en accès libre.

Naviguer dans ce feuilleton

Corriger les erreurs de la Nintendo 64 ->

Liked it? Take a second to support Oscar Lemaire on Patreon!

Sources

  1. N64 Magazine, n°37, Janvier 2000, p10.
  2. NextGen, n°66, Juin 2000, p84.
  3. Game Fan, n°83, Juillet 2000, p104.
  4. N64 Magazine, n°46, Octobre 2000, p11.
  5. GamePro, n°131, Juin 2000, p32.
  6. Edge, n°90, Novembre 2000, p69.
  7. NextGen, n°71, Novembre 2000, p53.
  8. Consoles +, n°105, Octobre 2000, p10.
  9. NextGen, n°71, Novembre 2000, p53.
  10. Ibid.
  11. EGM, n°136, Novembre 2000, p28.
  12. NextGen, n°71, Novembre 2000, p53.
  13. GamesMasters, n°100, Novembre 2000, p43.
  14. GamePro, n°146, Novembre 2000, p32.
  15. EGM, n°136, Novembre 2000, p285.
  16. Ibid.
  17. CVG, n°227, Octobre 2000, p14.
  18. NextGen, n°71, Novembre 2000, p16.
  19. Edge, n°90, Novembre 2000, p69.
  20. https://www.ign.com/articles/2000/08/29/miyamoto-roundtable
  21. NextGen, n°71, Novembre 2000, p60.
  22. NextGen, n°66, Juin 2000, p14.
  23. Edge, n°106, Janvier 2002, p6.
  24. Edge, n°89, Octobre 2000, p6.
  25. Joypad, n°101, Octobre 2000, supplément GameCube / Game Boy Advance, p26.
  26. Games Masters, n°100, Novembre 2000, p43.
  27. Edge, n°90, Novembre 2000, p3.
  28. https://www.ign.com/articles/2000/08/26/ign-on-gamecube
  29. CVG, n°227, Octobre 2000, p14.
  30. Nintendo Magazine UK, n°98, Novembre 2000, p98.
  31. https://www.ign.com/articles/2000/08/24/zelda-on-gamecube