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Les plus gros rémunérateurs d’actionnaires en 2024

Bon, le sujet étant assez clair, on va directement aborder la méthodologie employée. Tout d’abord, comme souvent, il est important de noter que seules les entreprises présentes en bourse sont ici considérées, tout simplement parce que ce sont les seules qui publient ce genre d’information. Une société comme Valve, par exemple, reverse probablement des dividendes à ses actionnaires (principalement Gabe Newell). Mais Valve n’étant pas en bourse, elle n’a aucune obligation de rendre public ce genre d’information, et par conséquent ne le fait pas.

En outre, on exclut ici de l’équation toutes les entreprises dont l’activité jeu vidéo réalise une part trop minoritaire dans le chiffre d’affaires. Ce qui élimine des mastodontes comme Sony, Microsoft ou encore Tencent, pour lesquels le jeu vidéo n’est qu’une activité parmi d’autres, et généralement pas la plus importante.

Il nous reste donc 64 sociétés spécialisées dans le jeu vidéo et présentes en bourse. Parmi elles, 41 (64 %) ont reversé de la valeur aux actionnaires en 2024. Ce qui peut se produire de deux manières : soit par le biais de dividendes (une somme d’argent directement versée à chaque actionnaire), soit par le biais de rachat d’action (une quantité d’actions rachetées par l’entreprise, souvent pour ensuite les supprimer, ce qui a pour conséquence de raréfier l’action et donc, théoriquement, d’augmenter sa valeur). Parfois, les entreprises pratiquent les deux méthodes simultanément.

Et tout ceci nous amène à un total de 7,5 milliards d’euros d’argent reversé par les entreprises du jeu vidéo en 2024 à leurs actionnaires. C’est une baisse de 9 % par rapport aux 8,3 milliards d’euros reversés l’année précédente par ces mêmes entreprises.

Tout d’abord, signalons les absents. Évidemment, ce sont les entreprises actuellement en difficulté et confrontées à des pertes : Ubisoft, Digital Bros, Don’t Nod, Take-Two, Playtika, Roblox, Unity, Embracer, etc. Il faut néanmoins noter qu’il y en a, comme Devolver (et oui) ou Remedy, qui accusent des pertes mais versent, malgré tout, des dividendes. On peut aussi souligner le cas de sociétés qui reversent davantage à leur actionnaires (souvent via des rachats d’action) que leur bénéfice net annuel. C’est parfois une dépense exceptionnelle, comme c’est le cas cette année avec MTG, SciPlay, ou Gamania, dont le bénéfice net dégringole, mais où la valeur accordée aux actionnaires repose sur les bénéfices des exercices précédents, dans l’espoir d’empêcher la chute du cours de l’action en attendant de rebondir. Et puis il y a le cas d’Electronic Arts, pour qui c’est simplement devenu une habitude de faire des plans de rachats d’action mirobolants chaque année, quitte à dépasser le bénéfice net et ponctionner dans la trésorerie. Sans nécessairement créer de la dette, mais en profitant aussi des bénéfices de placements financiers provenant de la trésorerie.

Sur les 7,5 milliards d’euros reversés aux actionnaires, 55 % sont des dividendes (soit 4,1 milliards €), le reste (3,4 milliards €) étant des rachats d’actions. On perçoit des stratégies très différentes selon les profils à ce sujet. Les entreprises chinoises et japonaises ont plus tendance à (largement) privilégier les dividendes, avec quelques exceptions qui correspondent aux structures plus modernes, telles GungHo et Mixi. Les entreprises américaines, du moins les grands groupes, favorisent à l’inverse, et très nettement, le rachat d’action. Des sociétés comme App Lovin ou SciPlay ne rémunèrent leurs actionnaires que de cette manière, tandis que seulement 14 % des sommes reversées aux actionnaires chez Electronic Arts proviennent des dividendes.

Notez que, pour les entreprises, l’intérêt envers la méthode du rachat d’action repose beaucoup sur le fait d’esquiver les taxes sur les dividendes. Son défaut est que le seul gain qu’il offre pour l’actionnaire se trouve dans la valorisation de l’action, et ne sera donc encaissé véritablement qu’au moment de la vente de celle-ci. Les dividendes sont donc plus intéressants pour les actionnaires sur le long terme, qui n’envisagent pas forcément de vendre leur portefeuille et préfèrent profiter d’une rente. Un profil qu’on retrouve souvent au Japon, où beaucoup des grands acteurs de l’industrie sont encore en grande partie détenus par leurs fondateurs, qui ont donc tout intérêt à pousser pour une rémunération sous forme de dividendes.

Pour finir, on va se prêter à un petit jeu. Prenons la rémunération médiane des employés d’Electronic Arts, qui s’élève en 2024 à 144 000 € (pour l’année, bonus compris). Si l’on prend le montant total de l’argent reversé aux actionnaires en 2024, ça représente l’équivalent d’un salaire médian d’EA pour 52 196 personnes. Plus du triple du nombre de personnes licenciées dans l’industrie en 2024 selon les comptes du blog Game Industry Layoffs.

 

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