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Sexisme, Me Too et Ubisoft

Alors qu’une libération de la parole avait déjà eu lieu à l’automne 2019 sans parvenir à imposer une véritable remise en question du milieu, les témoignages au sujet du sexisme, du harcèlement et des agressions dans le jeu vidéo sont apparus en masse au début de l’été. Et il fut rapidement question de l’un des plus importants éditeurs de jeux vidéo au monde, Ubisoft. Retour sur l’affaire et ce que cela met en lumière.

Des réseaux sociaux aux enquêtes journalistiques

Tout est parti de Twitter. Fin juin, des femmes ont pris la parole pour dénoncer des comportements abusifs dans l’industrie du jeu vidéo, amorçant un nouveau mouvement « Me Too » du secteur. Le milieu des streamers en particulier, mais aussi dans l’esport, dans tout un tas de communautés, et puis, ce sur quoi on va s’attarder ici, dans le domaine du développement.

Il y a eu le cas de Chris Avellone, célèbre créateur spécialisé dans l’écriture et surtout connu pour avoir travaillé sur Fallout 2 et Planescape Torment ainsi que sur de nombreuses productions d’Obsidian (avant de quitter le studio en mauvais termes). Il fut accusé de comportements inappropriés par quatre personnes différentes, dont un témoignage qui laisse envisager un viol. Il fut ensuite question de structures plutôt que d’individus. Des accusations envers la politique d’Insomniac Games (Ratchet & Clank, Spider-Man) ont conduit le studio à réagir publiquement1. Electronic Arts a pris les devants et publié un message encourageant les victimes à témoigner2.

Maxime Béland

Et puis il y a eu des gens de chez Ubisoft. Beaucoup, beaucoup de gens de chez Ubisoft. C’est devenu, assez clairement, l’entreprise phare au cœur de cette affaire. Les noms se sont enchainés. Plus ça allait, plus des personnes élevées dans la hiérarchie étaient mises en cause. Il y a eu deux cas particuliers à l’importance conséquente : Maxime Béland et Alexandre Amancio. Le premier a été game designer sur les extensions de Rainbow Six 3, directeur créatif de Rainbow Six Vegas, directeur du game design du premier Assassin’s Creed et directeur créatif de Splinter Cell Conviction et Blacklist. Entre les deux, il a quitté le studio de Montréal pour participer à la fondation de celui de Toronto, lequel, après la production de Splinter Cell Blacklist, a assisté les développements des Far Cry et dirigé celui de Watch Dogs Legion. Béland était donc le directeur créatif attitré du studio.

Une multitude de témoignages font état d’un grand nombre de comportements problématiques de la part de Béland et de sa propension à la colère envers les employés. L’histoire la plus médiatisée s’est déroulée lors d’une soirée célébrant la sortie de Far Cry 4, où le développeur est allé jusqu’à étrangler une femme, visiblement pour s’amuser. Peu importe les plaintes aux RH, où par ailleurs la directrice de l’époque n’était autre que sa compagne, peu importe que le directeur du studio fût au courant, Béland n’a apparemment jamais été inquiété jusque-là. Il a même brièvement quitté l’entreprise pour rejoindre Epic Games avant d’être réembauché chez Ubisoft début 2019, avec une promotion. Il a fallu que des victimes témoignent sur Twitter pour que l’éditeur se décide à ouvrir une enquête.

Alexandre Amancio

Alexandre Amancio était quant à lui le directeur artistique de Far Cry 2, puis scénariste et directeur créatif d’Assassin’s Creed Revelations et Unity. Lui, lors d’une soirée Ubisoft, a léché le visage d’une femme, sans consentement. Là encore, ce n’est qu’un exemple parmi de multiples faits rapportés. Pour l’anecdote, Amancio s’était auparavant fait connaître lorsqu’il défendait l’absence de protagoniste féminin dans Assassin’s Creed Unity en expliquant que cela demandait trop de travail que de modéliser et animer une femme. Ubisoft n’a a priori ouvert aucune enquête à son encontre : il n’est plus employé par l’entreprise. Après Unity, il est parti fonder sa propre société, Reflexion, qui propose principalement des services d’assistance créative pour différents projets, pas uniquement dans le jeu vidéo. Amancio a d’ailleurs lancé sa boîte en tentant de proposer une série TV : il était question de raconter l’histoire d’un réalisateur de jeux vidéo accusé d’être sexiste, misogyne et violent.

Depuis, de nombreuses enquêtes ont été publiées, à chaque fois avec des dizaines de témoignages. Une enquête de Gamasutra, deux enquêtes de Libération, deux enquêtes de Numerama, une enquête de Kotaku, une enquête de Lapresse, une enquête de l’AFP, une enquête de Bloomberg ou encore une de Business Insider. Chez Gamasutra, on parle d’une ambiance interne comparable à une mafia. Chez Libération, on s’intéresse particulièrement au service éditorial de la maison-mère, à Montreuil, qui supervise l’ensemble des projets. On met en lumière le comportement terrible de Tommy François, ancien journaliste de Game One devenu numéro 2 de l’édito. Un cas tellement extrême qu’il suffit de retrouver des interviews de lui pour y découvrir des propos insultants. Hors caméra, mais au regard de tous, ça passait par de fréquents attouchements non consentis, sans parler du reste.

Tommy François

Libération s’est ensuite intéressé à la responsabilité de Serge Hascoët, président du service éditorial, directeur créatif de l’ensemble d’Ubisoft, très proche du PDG Yves Guillemot. Quand, à une soirée, Tomy François tente d’embrasser de force une femme maintenue par ses subordonnés, Hascoët était le genre de type à observer la scène en se marrant.

« D’après ce que nous disent les alertes, Serge n’aurait pas commis d’agression sexuelle. Mais il est celui qui a rendu possible cette culture toxique. Tout le monde le sait, le connaît pour ça. Il est même valorisé pour sa toxicité, pour sa misogynie, son homophobie, sa méthode de management d’écrasement des autres. Pour son comportement libidineux permanent. Et aujourd’hui, certains minimisent encore en disant que c’est un créatif3. »

Chez Kotaku, on s’intéresse notamment au cas de Béland, avec le témoignage de la femme qui a subi son étranglement. On lui avait conseillé de déposer une plainte aux RH. Mais elle connaissait leur réputation. « Je savais que s’ils devaient choisir entre lui et moi, ce serait lui. » Elle se résigne donc. Le lendemain, on lui arrange un café avec Béland où il s’excuse. « Il disait qu’il ne se souvenait pas ce qui s’était produit. Je ne l’ai pas forcément cru, mais je réalisais que ce serait meilleur pour moi et ma carrière au sein du studio si je disais que tout allait bien. Ça ne semblait pas juste. J’avais le sentiment que quelqu’un devait faire quelque chose, mais je ne voyais pas vraiment quel pouvoir j’avais pour le faire, donc j’avais l’impression que ce serait plus simple de laisser tomber4. »

Chez Bloomberg, on souligne aussi certaines conséquences créatives à tout cela, et révèle que des changements ont régulièrement été imposés sur les Assassin’s Creed pour minimiser la place des protagonistes féminins. On y apprend ainsi que le héros d’Assassin’s Creed Origins, Bayek, devait initialement disparaître de l’aventure au début du jeu pour que le joueur prenne alors le contrôle de sa compagne, Aya. Ce fut finalement abandonné. Pour Assassin’s Creed Odyssey, Kassandra devait être l’unique personnage jouable, avant que ne soit imposée la possibilité de choisir avec son frère, Alexios, qui a pris la vedette de la communication autour du jeu. À chaque fois, soit les départements marketing, soit l’édito d’Hascoët imposent ces modifications, prétextant que les jeux vidéo où l’on incarne des femmes ne se vendent pas. Notez que malgré son exclusivité PlayStation, Horizon Zero Dawn a réalisé des ventes équivalentes, voire supérieures à la plupart des Assassin’s Creed (tous supports confondus).

Situation systémique

Est-ce qu’il y a un problème avec Ubisoft ? Oui, clairement. Mais est-ce que ce problème est spécifique à Ubisoft ? Non, assurément. Par un pur hasard, au moment où cette vague de Me Too du jeu vidéo débutait, le site Numerama publiait les résultats d’une longue enquête sur la situation des femmes dans l’industrie française du jeu vidéo, dans son ensemble. On y décelait ainsi plus clairement un problème structurel plus que causé par quelques cas spécifiques.

Partout, il y a une difficulté flagrante – voire une impossibilité – à faire face aux agressions, encore plus aux « simples » comportements inappropriés. Accuser, c’est risquer de détruire sa carrière. « On sait qu’on se met en danger professionnellement en parlant, le ratio effort/résultat est trop faible5 », explique une personne qui, comme bien souvent dans cette histoire, a eu besoin de conserver son anonymat. « C’est un milieu consanguin. Tout le monde se connaît, c’est impensable de se séparer d’une connexion professionnelle6. »

La roue de secours devient l’entraide entre victimes potentielles. Les recommandations et conseils que se confient les cibles privilégiées de ces environnements toxiques pour essayer d’aiguiller, en particulier les juniors, vers les structures les moins malsaines. « Ankama, on savait qu’il ne fallait pas y aller. Pareil pour Quantic Dream ou Riot Games. Ubisoft, c’était quitte ou double7. » Les indés ? « Tout dépend de l’équipe, qui peut être super ouverte d’esprit, ou au contraire très masculiniste. Comme il n’y a pas autant de témoignages pour elles que pour les grosses boîtes, tu y vas vraiment à l’aveugle8. »

Alors pourquoi tout s’est concentré sur Ubisoft ces dernières semaines ? Peut-être parce que si la situation de l’entreprise peut grandement varier d’un studio à l’autre, son problème structurel est sans doute aggravé par sa nature un peu particulière. Une société tentaculaire possédant plusieurs dizaines de studios et pouvant transférer régulièrement des cas à problèmes plutôt que de s’en occuper vraiment. Et aussi de par sa taille.

Ubisoft n’est pas le leader de l’industrie. Ces dernières semaines, on l’a parfois qualifié de numéro 3 du secteur, ce qui est plus que discutable. En revanche, il y a un fait important : Ubisoft est l’incontestable numéro 1 en matière d’emploi. On a souvent parlé d’un effectif qui atteint les 15 000 personnes, mais ces chiffres sont datés.

Au 31 mars 2020, le nombre d’employés d’Ubisoft dépasse les 18 000. Ce n’est pas loin du double d’Activision Blizzard (9 200) ou Electronic Arts (9 800). C’est presque le triple de Nintendo (6 200) et plus du triple de Take-Two (5 800) ou Square Enix (5 100). C’est six fois celui de Capcom (3 000). Bref, Ubisoft est, de loin, le premier employeur mondial de l’industrie du jeu vidéo. Ce qui en fait à la fois le symbole le plus important en matière d’environnement de travail et le cas spécifique qui touche le plus de monde. En l’occurrence, avec 22 % de femmes dans les effectifs, cela représente presque 4 000 personnes. Nettement plus que le nombre total d’employés de Capcom.

Entre les paroles et les actes

Dans son dernier bilan annuel, publié il y a quelques semaines, Ubisoft consacre plusieurs pages à ses efforts en matière de diversité en interne, et se félicite beaucoup de ses actions. On y vante des programmes mis en place pour « attirer davantage de femmes au sein de l’entreprise9 », lancé par deux studios, Ubisoft Paris et Ubisoft Toronto. Est mis en avant la participation à la conférence European Women in Tech 2019. L’un des buts avoués est de « renforcer l’image de marque d’Ubisoft comme un employeur promouvant activement la diversité de genre10. » L’entreprise insiste également sur le fait d’avoir été distinguée en 2019 dans le classement des « Diversity Leaders » établi par le Financial Times. Un classement réservé aux grosses entreprises européennes où Ubisoft se positionne dans les 50 premières.

« Les initiatives pour embaucher plus de femmes, à force, on a l’impression que ce n’est que de la pub11 », déclarait l’une des sources interrogées par Numerama, qui ne faisait pas spécialement référence à Ubisoft en particulier. « C’est que du progressisme corporate, déclare un autre témoignage. On voit que la hiérarchie n’a pas du tout changé. Il n’y a toujours que des hommes blancs de plus de 50 ans. Aucune minorité, et quasiment aucune femme12. » Et celles qui y sont, « ce sont des femmes blanches, issues de familles CSP+. Si on veut qu’il y ait plus de diversité dans les jeux vidéo, il faut qu’il y en ait plus parmi la direction artistique. Et il faut avoir la volonté d’y mettre des moyens13. »

En 2017, l’association Women in Games France, sur le modèle d’une organisation déjà existante à l’étranger, est fondée. Audrey Leprince, l’une des fondatrice et présidente du studio The Game Bakers (Furi, Haven), ainsi qu’ancienne employée d’Ubisoft, est également la présidente de cette structure. Celle-ci est très proche du SELL, alliance patronale française des plus gros acteurs du l’industrie du jeu vidéo, tels qu’Ubisoft, Electronic Arts, Nintendo, Sony, Microsoft, ou même Game One. La deuxième fondatrice de Women in Games France et vice-présidente est d’ailleurs Julie Chalmette, directrice de Bethesda France et présidente du SELL depuis quelques années.

En bientôt trois ans d’existence, Women in Games a œuvré pour promouvoir les femmes de l’industrie et encourager leur place croissante. Parfois en association avec Ubisoft. Une action utile, certainement nécessaire, mais qui passe totalement à côté de la remise en question des environnements de travail dans cette même industrie. Interrogée par Le Monde il y a quelques semaines, Audrey Leprince souligne l’incapacité de sa structure à recevoir des témoignages, et de soulever le cœur du problème quant au silence habituel qui domine en dehors de ces rares périodes de libération de la parole.

Audrey Leprince (à gauche) et Julie Chalmette (à droite)

« Je ne saurais dire le nombre de femmes qui ne rapportent pas le harcèlement qu’elles subissent parce qu’elles pensent que cela ne sert à rien de le dénoncer. Voire que ça va les desservir et qu’elles seront considérées comme des parias parce qu’elles auront osé prendre la parole. Elles imaginent qu’elles vont être mises au placard, ou en mobilité, se faire licencier, souffrir d’une ambiance de travail délétère14… »

Le jour même de la publication de l’article, Leprince constate la situation mise en lumière par les témoignages, sur son compte Twitter, avec une colère non dissimulée et une volonté de changer les choses. « Je ne peux m’empêcher de penser que nous avons été abandonnées et ridiculisées par l’industrie dans son ensemble. Nous avons été utilisées comme un écran de fumée pour leur inaction. Rien de plus. Il est temps de s’engager pour un vrai changement. Le respect, l’égalité et l’inclusivité sont la base. Nous ne pouvons accepter moins. Nous ne serons pas dupes et nous n’accepterons rien d’inférieur15. »

Ce qu’il faut comprendre, c’est que le problème d’Ubisoft n’est pas seulement de ne pas avoir essayé de vraiment changer les choses – tout en essayant de faire croire le contraire – mais c’est d’avoir empêché le changement. De tous les témoignages, de toutes les enquêtes rapportées, il apparaît désormais impossible de contester que les cas d’harcèlements et agressions sexuelles – pour ne pas dire plus – sont systémiques. Pire, ce système est entretenu par le fait que la direction, par l’intermédiaire des ressources humaines, protège les agresseurs.

Sélections de propos émanant de salariés ou ex-salariés d’Ubisoft

« La façon dont le studio – les RH et les gestionnaires – ne tient pas compte des plaintes, c’est tout simplement ce qui permet ce comportement de la part des hommes16. » Témoignage publié par Kotaku.

« C’est aux ressources humaines de faire le sale travail. Elles travaillent sous contraintes, avec comme objectif de retenir les talents. Il ne faut absolument pas qu’ils partent, il faut soigner cette image de “great place to work”, fidéliser les gens. Alors, quand surgissent des cas de harcèlement sexuel ou moral, il y a une omerta. On sacrifie les petits. On protège les gros postes, quitte à déplacer les cas les plus toxiques. Les RH se repassent les bébés et profitent du fait qu’Ubisoft est composé de différentes sociétés17. » Témoignage publié par Libération.

« On entendait des choses anormales, tout le temps. Quand j’ai essayé de faire remonter cette ambiance malsaine à ma supérieure, elle bloquait. Elle couvrait tout, du témoignage de Caroline aux histoires de drogues… Je lui ai fait remonter plein de trucs. C’était impossible qu’elle n’ait pas été au courant18. » Témoignage d’une membre des RH publié par Numerama.

« Travailler sur Far Cry m’a valu deux burn-out, du harcèlement psychologique, sexuel, du sexisme, de l’humiliation, et jamais les ressources humaines n’ont daigné m’écouter19. » Témoignage publié par l’AFP.

« Une directrice des ressources humaines a demandé de me rencontrer dans son bureau et m’a présenté un document à signer. Elle m’a dit que si je ne signais pas, l’entreprise ferait tout en son pouvoir pour se débarrasser de moi et qu’il valait mieux que j’accepte l’argent et que je parte en silence le jour même20. » Témoignage d’une ancienne employée qui avait une plainte pour harcèlement en cours de traitement, publié par Lapresse.

« Impossible de se tourner vers [les ressources humaines] sur les questions de harcèlement, ça aurait été comme parler au camp ennemi21. » Témoignage publié par Libération.

« Non seulement on m’a donné une carte-cadeau au lieu de m’aider, mais ils en ont donné une à toute l’équipe parce qu’ils étaient témoins. Mais dites-moi Ubisoft, pourquoi les RH m’ont donné plus d’argent que les autres ? Pour acheter mon silence ? Ou parce que j’étais la véritable victime22 ? » Témoignage publié par Gamasutra.

« Dans cet environnement extrêmement toxique, Tommy [François] est le chef d’orchestre mais pas l’unique responsable. Le problème, c’est le système autour qui autorise quelqu’un comme ça à avoir du pouvoir, à s’en servir. Qu’année après année, il soit promu, valorisé en externe, et qu’il soit traité complètement différemment d’autres personnes du même rang, c’est un système d’impunité et de privilège. Dans ce système-là, être une femme, c’est être à l’échelon le plus bas23. » Témoignage publié par Libération.

Les réactions d’Ubisoft

Refaisons la chronologie. Sur Twitter, les accusations se sont multipliées le 22 juin, sans que cela s’arrête – au contraire – dans les jours qui ont suivi. Le 25 juin, Ubisoft a publié un communiqué, se disant « vraiment désolé » par les faits mis en lumière, et assure mener des enquêtes avec des consultants externes ainsi qu’un audit de son environnement de travail. Le 26 juin, la firme publie un message s’adressant à ses employés, sur son réseau social interne, Mana, disant essentiellement la même chose tout en demandant à toute victime ayant une plainte à soumettre de la rapporter à ses managers et directeurs des ressources humaines (RH). « Vous pouvez être assurés que cela sera adressé immédiatement et d’une manière qui protège votre confidentialité24 », certifie le mémo.

Des « centaines25 » d’employés font alors part de leur mécontentement face à cette réponse, la plupart soulignant que ces affaires désormais publiques avaient déjà été rapportées aux RH il y a des années de cela, sans que cela n’entraîne aucune réaction concrète de leur part ou de celle de la direction. Chez Ubisoft Toronto, plus de 100 employés ont signé une lettre à la direction du studio pour réclamer des changements drastiques, un véritable traitement des plaintes, plus de transparence sur le fonctionnement des RH, et une formation obligatoire sur le harcèlement pour tous les responsables hiérarchiques.

Le 2 juillet, après la publication des enquêtes de Libération et Gamasutra, Ubisoft réagi à nouveau par l’intermédiaire d’un message interne qui est également diffusé publiquement et signé par Yves Guillemot, le PDG. Il faut rassurer. « Nous ne visons pas des ajustements à la marge. Ce que nous voulons mettre en œuvre est un changement structurel au sein d’Ubisoft, en totale adéquation avec nos valeurs qui ne tolèrent aucun comportement toxique et veillent à ce que chacun se sente en sécurité pour s’exprimer26. » Il promet de revoir la composition de l’édito et la politique interne. Le 3 juillet, on apprend que Maxime Béland démissionne, ainsi qu’une autre personne de chez Ubisoft Toronto, dont l’identité n’est pas révélée. Tommy François est quant à lui mis à pied.

Quelques jours plus tard, Libération obtient des confidences sur les façons dont les choses se sont déroulées au sein de la direction, avec notamment une réunion de crise tenue le 3 juillet à Montreuil. « Je suis sortie de la réunion avec l’impression qu’on faisait fausse route. [La directrice RH d’Ubisoft] Cécile Cornet était en train de dédouaner les RH. Dans la réunion, il y a tous les services dont la fonction est de garantir un environnement de travail safe, la diversité, l’inclusion, et là, ce qu’on m’explique, c’est qu’il faudrait qu’on soit lavés de toute responsabilité. Ce que je comprends, c’est qu’Ubisoft va sanctionner quelques personnes, les plus visibles, histoire de faire bonne figure à l’extérieur, mais qu’on sauvera tous les gens toxiques dont le nom n’est pas sorti avec autant de force27. » Ubisoft espère alors qu’on n’entendra plus parler de cette affaire à l’extérieur au bout d’une semaine.

« Depuis vos révélations, la situation ici a empiré. Les réactions au sein des studios de production sont extrêmes. Tous les chefs ont eu pour consigne de parler aux employés, mais ils ne le font que par obligation. Ils restent convaincus que cela nuit à leur liberté. Ils appellent ça “une chasse aux sorcières”. En plus du reste, en tant que femme, on est devenue une menace. C’est loin d’être agréable à vivre28. » Témoignage publié par Libération.

Une autre source rapporte l’ambiance d’une visioconférence qui comprenait environ 90 responsables RH de par le monde. Le chef de Montréal prend alors la parole pour réclamer qu’Yves Guillemot fasse une déclaration publique pour disculper les services RH, et menace de partir avec la moitié de son équipe si ce n’est pas fait. « C’était insensé, nos discussions prenaient un tour étrange, nombre de RH se plaçaient dans la position de victime. Même si l’on peut tout à fait entendre que tous les services RH ne sont pas coupables d’avoir dissimulé des agissements toxiques, cela n’en constitue pas moins un échec collectif29. »

Cette deuxième enquête, publiée par Libération le 10 juillet au soir et présente le lendemain dans l’édition papier du journal pour le week-end (une fois encore mise en avant sur la couverture) a probablement eu un impact plus conséquent. Non seulement de par son timing : cela intervient juste avant la diffusion de l’Ubisoft Forward, l’équivalent de la conférence annuelle de l’entreprise à l’E3 (annulée à cause de l’épidémie), ayant pour but de présenter les jeux majeurs d’Ubisoft pour la saison de fin d’année. Et puis surtout, il y a le fond.

Les accusations s’approchent de plus en plus d’Yves Guillemot. De par son « ami » Serge Hascoët. De par des consignes imposées aux RH qui semblent venir des plus hautes instances. De par les propos qui sont rapportés. « Yves est OK avec un management toxique, tant que les résultats de ces managers excèdent leur niveau de toxicité30 », aurait déclaré, début 2019, Cécile Cornet, directrice RH monde. Impossible d’ignorer une culture profondément ancrée dans la société, comme déjà le démontrait cette révélation quant à la manière de gérer les entretiens d’embauches de femmes, où on leur demande leur seuil de tolérance à un environnement de « blagues viriles, lourdes, ou parfois un peu sexistes31. » Il devient de plus en plus difficile de ne pas considérer le PDG comme responsable.

Les sanctions arrivent

Serge Hascoët

Dans la nuit du 11 au 12 juillet, à quelques heures de l’Ubisoft Forward, l’information est diffusée : la directrice RH monde, Cécile Cornet, quitte son poste. Serge Hascoët démissionne, ainsi que Yannis Mallat, directeur d’Ubisoft Montréal – le plus important studio de l’entreprise – mais aussi de l’ensemble des développements au Canada. Plus tard, ce sera au tour de Stone Chin, directeur relations presse visé par de nombreuses accusations, d’être licencié. Et enfin, Tommy François, au début du mois d’août, licencié pour faute selon Gamasutra.

Le 21 juillet, Yves Guillemot diffuse en interne une vidéo destinée à l’ensemble des employés du groupe, dont le message est partiellement retranscrit par Numerama. Il y dit notamment, pour la première fois à titre personnel, être « véritablement désolé32. »

Le 22 juillet, Ubisoft publie son bilan financier pour le premier trimestre de l’année fiscale, et organise comme à chaque fois une conférence téléphonique avec les investisseurs. Économiquement, la situation est excellente : en dépit d’un planning quasiment vierge en nouveauté, les mesures de confinements provoqués par la pandémie ont encouragé des ventes de vieux jeux ainsi qu’une activité accrue sur les jeux-service. Ubisoft réalise le meilleur premier trimestre de son histoire. Mais Yves Guillemot ne s’attarde pas sur ces bonnes nouvelles et consacre son message aux accusations pour exprimer à nouveau ses excuses et sa bonne foi quant à la volonté d’améliorer les choses.

Au téléphone, les investisseurs semblent toutefois ne pas trop s’intéresser à ces histoires et enchainent les questions classiques sur les performances commerciales d’Ubisoft ou sur la capacité de l’entreprise à maintenir sa productivité malgré la pandémie. L’un aborde le sujet des accusations de la manière la plus cynique possible : est-ce que toute cette affaire ne risque pas de distraire le travail des employés ? Est-ce que le départ d’Hascoët ne va pas troubler les développements en cours ? Et puis d’un seul coup, alors qu’on ne l’attendait plus, il y a en a un qui va oser une question plus pertinente et agressive. Comment tout ceci a pu se produire sous la surveillance d’Yves Guillemot ? Est-ce qu’il a ignoré les alertes ? Est-ce que vraiment, il ne savait pas ce qu’il se passait ?

Guillemot se défend. Il ne savait pas, assure-t-il. « Il est désormais devenu évident que certaines personnes ont trahi la confiance que je leur avais accordée33. » Poussé dans ses retranchements, le patron prend les devants et écarte l’éventualité de sa démission.

Le 24 juillet, c’est au tour de Business Insider de publier les résultats de son enquête. On y trouve notamment les propos d’une personne qui a travaillé chez Ubisoft Paris. « Au cours de mes 10 ans chez Ubisoft, j’en suis arrivé à vraiment apprécier Yves… mais il est trop gentil et loyal envers les personnes qui sont là depuis le début, et ferme les yeux sur beaucoup de saletés en conséquence34. »

Yves Guillemot

Le moyen de pression interne

Est-ce qu’Ubisoft souffre réellement de tout l’emballage médiatique autour de cette affaire ? C’est certain, les équipes de communication ont passé des semaines compliquées pour promouvoir les jeux dans un tel contexte, mais sur le long terme ? Il est difficile d’imaginer un véritable impact négatif, un boycott des consommateurs. Est-il seulement souhaitable ? Sans doute que non. Le fait est que là n’est pas la question. Pour Ubisoft, le problème ne reposait pas tant sur l’image de marque à l’extérieur que celle à l’intérieur.

C’est l’avantage d’une industrie créative, où l’entreprise a particulièrement besoin que ses employés soient motivés pour leur travail, qu’ils soient fiers de leur entreprise. L’éditeur a certainement intérêt à retenir ses talents les plus importants, ceux dont la responsabilité est la plus élevée pour faire tourner les productions. Il n’en reste pas moins que toutes ces personnes ne sont rien sans les centaines, les milliers de développeurs qu’il y a sous leurs ordres. Dans cette affaire, la victoire de l’oppressé ne se joue pas tant sur la couverture médiatique que sur le réseau social interne, quoique l’un ne va sans doute pas sans l’autre et que l’arme essentielle demeure la prise de conscience. Mais une prise de conscience dont la cible primordiale – en tout cas pour le cas spécifique d’Ubisoft – est celle des employés dans leur majorité. Leur indignation est cruciale, et cette fois elle fut présente.

En interne, Yves Guillemot est quelqu’un de populaire et d’apprécié. Il a la réputation d’être proche des développeurs. Alors évidemment, dans le cadre d’une entreprise qui compte autant d’employés, ça veut surtout dire être proche des managers. Mais au-delà de ça, le bougre incarne aussi un profil de patron de grande entreprise plus accessible et plus en phase avec le travailleur que ne peuvent l’être ceux des principaux concurrents de cette taille. Évidemment bourgeois privilégié (son salaire annuel, bonus compris, oscille entre 1 et 2 millions d’euros, sans compter les dividendes), il n’atteint pas non plus le niveau démesuré de ses homologues américaines (c’est plutôt dans les 30 ou 40 millions du côté d’Electronic Arts et Activision Blizzard). Ubisoft est aussi une entreprise qui embauche sans arrêt et où les plans de licenciements sont quasiment inexistants, y compris lors des années financièrement difficiles, là où un Activision n’hésite pas à mettre à la porte plus de 8 % de ses effectifs au moment de célébrer des bénéfices record.

Tout cela n’en fait pas un saint, et il y a évidemment bien d’autres problèmes chez Ubisoft, au-delà même de la question du climat sexiste désormais mise en évidence. Mais le fait est qu’Yves Guillemot bénéficie d’un fort capital sympathie qui a son importance. La direction en joue et s’en sert parfois comme une arme, à l’image de la délicate période où l’entreprise était en proie à une OPA hostile de la part de Vivendi et où avoir les salariés dans son camp face à l’envahisseur constituait un atout crucial. On se souvient des tshirts, portés par les employés, avec comme inscription « I BelYves », mélange de l’anglais « I believe » (je crois) et du prénom du PDG, Yves. Le message, en gros : je crois en Yves, et pas en Bolloré.

Une photo diffusée par Ubisoft Italia.

Dans le contexte actuel, c’est la colère et l’exigence de changement de la part de la masse salariale qui a le plus d’impact. Aux problèmes évoqués tout au long de cet article viennent d’ailleurs s’ajouter d’autres facteurs de mécontentement qui concernent également la structure du groupe et sa hiérarchie. Le service édito d’Ubisoft est ainsi dans l’œil du cyclone de par son pouvoir jugé excessif sur les différents studios. D’autres affaires sont remises sur le tapis, comme le cas de Yannis Mallat, condamné il y a quelques années pour délit d’initié alors qu’il avait vendu ses actions avant l’annonce du report de Watch Dogs. L’équipe de développement l’avait particulièrement mauvaise : c’était comme si leur directeur pariait contre leur réussite, et cela n’avait conduit à aucune sanction en interne.

De quoi encourager une certaine convergence des luttes tout en amenant le risque que l’on se concentre moins sur le problème central, plus grave et plus urgent, des agressions et du harcèlement. Le fait est que tous ces aspects se réunissent sur la nécessite d’une réforme de grande ampleur en interne. Ce qui va dépendre essentiellement d’Yves Guillemot, qui en plus de son rôle de PDG a temporairement récupéré la direction du service Édito qu’assurait Hascoët, et a placé son cousin à la tête du studio de Montréal.

« Yves a dit à ses équipes “ne retenez aucun dossier, je veux être au courant de tous les cas”, quand les PDG disent généralement l’inverse. […] Il y a une vraie prise de conscience. Pour beaucoup à la direction, c’est aussi une perte de repères. Ils sont tellement déconnectés de la base que pour eux, l’ensemble des marqueurs idéologiques ont basculé du jour au lendemain35. »

Selon un témoignage rapporté par Business Insider, il y a plusieurs groupes au sein des effectifs. Parmi ceux qui souhaitent un véritablement changement, la plupart ont confiance en la sincérité d’Yves Guillemot de faire le nécessaire, ce qui prendra forcément du temps. D’autres n’y croient pas. « Désormais, Ubisoft doit effectuer un profond changement de ses systèmes, pas seulement se débarrasser des cas visibles. Peuvent-ils le faire ? Je ne sais pas. Les habitudes sont tenaces36. »

Déjà, en juillet dernier, Numerama rapportait des avis désabusés d’employés. « Il est difficile de se dire que leurs actions partent d’une bonne intention. Tout le monde savait depuis des années. On se dit que si le problème tenait vraiment à cœur à Yves, tout aurait déjà été changé. Même s’il est honnête maintenant en disant qu’il veut mettre en place des solutions, on ne peut pas s’empêcher de penser que le système va se reproduire37. »

Depuis, il y a eu le départ d’Hascoët, que beaucoup imaginaient intouchable, et tout le monde reconnaît que cela envoie un message fort. Il n’empêche, selon nos informations, beaucoup dans les studios canadiens continuent de s’agacer du fait que certaines personnes visées par de nombreuses plaintes soient toujours en poste, comme si de rien n’était.

Le piège de l’instant

Kim Belair est une narrative designer qui a récemment fondé et dirige l’entreprise SweetBaby. Avant ça, elle était employée d’Ubisoft Montréal où, comme bien d’autres, elle a subi du harcèlement. Le 7 juillet dernier, le site Gamesindustry a publié un texte écrit par Belair intitulé « Nous avons besoin d’un mouvement pour lutter contre les abus systémiques, non pas un instant. »

Kim Belair

Belair parle un peu de son expérience, ajoute à l’édifice son témoignage et son analyse pour mieux expliquer comment ces abus persistent et pourquoi ils sont généralement ignorés et passés sous silence. « Il ne s’agit jamais de simplement parler, il s’agit d’être entendu, et c’est bien plus complexe que la plupart le pensent38. » La faute ne se résume pas à l’agresseur, ni même aux supérieurs hiérarchiques et aux ressources humaines. Il s’agit aussi des autres employés. Des collègues, proches, qui en viennent souvent à minimiser voire ignorer les alertes qu’elle, comme les autres victimes, leur confient.

« Une grande majorité de personnes plus privilégiées, dont beaucoup se considèrent volontiers comme mes alliés ou amis, ignorent ou rejettent ces avertissements. Pas par méchanceté, mais par autopréservation et pour éviter les conflits. Peut-être étaient-ils amis avec l’agresseur, peut-être ne croyaient-ils pas que quelqu’un comme ça pouvait vraiment faire des choses aussi terribles, peut-être considéraient-ils ce comportement comme “simplement la façon dont les choses se font dans cette industrie”. Quelle que soit leur raison, ils préféraient le confort du silence, l’absence de “drama” à la lutte pour un changement significatif39. »

Un schéma fréquent, qui participe aux conséquences terribles dans lesquelles se retrouvent les victimes. « Vous hurlez si fort et si longtemps. Vous faites tout ce qu’il “faut faire”, des RH aux relations publiques, en passant par les chefs de projet et les gestionnaires, jusqu’à la police, et ça ne donne rien. Vous essayez encore et encore, mais vous réalisez finalement que cela ne va pas vous aider. Ce que vous faites n’aide pas. Et peut-être, vous vous mettez à penser, que vous n’auriez pas dû essayer. Parce qu’au fil des jours, des semaines ou des années, vous réalisez que de nombreuses personnes et entreprises que vous avez essayé d’avertir ont décidé que vous, la perturbatrice, vous êtes le problème. Après tout, vous leur avez demandé de changer, de se battre, de rompre l’équilibre, de travailler. Vous leur avez demandé de considérer la vie en dehors du projet, d’allouer un budget, de démanteler une équipe ou, Dieu nous en préserve, de rompre des amitiés.

Pendant ce temps, le prédateur n’a été que gentil. Le prédateur ne demande rien. Il sourit et rit avec eux. Il joue avec eux en ligne. Il propose des cadeaux et des lieux de rencontre. Il apporte de la joie. Qu’apportez-vous sinon des ennuis ? Lorsqu’ils sont confrontés à leur soutien continu envers cette personne, ces “alliés” esquiveront souvent la responsabilité. Au mieux, ils feront une faible concession : ils comprennent que vous avez un problème avec cet homme, donc ils ne parleront pas de lui quand ils seront en votre présence. Ils ne l’inviteront pas à des événements si vous y participez, mais… en vrai, tout le monde l’aime, n’est-ce pas ? Au fond, à ce stade, n’est-il pas plus facile de ne pas vous inviter ? Soudain, vous êtes mise de côté. Et ils restent tous ensemble, dans les salles où les décisions sont prises40. »

Alors maintenant, ça sort. Les indignations se multiplient, et les prises de conscience avec. Non sans l’amertume des victimes, hier ignorées, aujourd’hui enfin entendues. Mais pour combien de temps ? La crainte de Belair, c’est que tout ceci ne dure pas. Il est particulièrement pertinent de lire son témoignage aujourd’hui, plus d’un mois après le départ de cette affaire et alors que les choses se tassent doucement et que tout risque de repartir à la normale, avec une vague épuration pour l’exemple.

Lorsqu’il s’agit de demander aux victimes et aux lanceurs d’alertes leur vision quant à l’évolution des choses, on trouve de tout. Il y a des optimistes, persuadés que le message est passé, que les choses vont changer, qu’Yves a compris et fera le nécessaire. Ou en tout cas, qu’il va améliorer les choses. Et il y a aussi beaucoup de pessimistes.

Que ce soit pour Ubisoft ou ailleurs, ça semble être la malédiction permanente des femmes et des minorités en général, dans l’industrie du jeu vidéo : à moins de réussir à obtenir un poste élevé qui assure une certaine protection face à tous ces abus, on s’enfonce au bout de quelques années d’ancienneté dans l’épuisement et le renoncement face à un combat dont les résultats mettent trop de temps à se manifester. La plupart lâchent prise, abandonnent, changent de carrière, et aux nouvelles générations, aux plus jeunes, de reprendre la main, avec une énergie toujours présente, une force encore à bloc, jusqu’à s’épuiser à son tour.

Kim Belair a monté sa boîte, s’est assurée de créer son propre environnement sain pour les minorités. C’est sa solution, mais elle est consciente que ce n’est pas la solution, parce que ça n’aidera qu’une poignée insignifiante de personnes à l’échelle de l’industrie.

« Je me sens responsabilisée, reconnaissante et désireuse d’aider, mais il ne faut pas non plus qu’il soit nécessaire de fonder sa propre entreprise pour se sentir plus en sécurité. Le travail doit se faire dans les structures et les entreprises où ces problèmes sont endémiques, ou des milliers de personnes sont maltraitées chaque jour. Nous devons les démanteler et les reconstruire avec empathie et responsabilité, et avec une oreille attentive aux voix qui mènent la charge en ce moment, qu’elles soient survivantes ou militantes.

Écoutez ceux qui prennent la parole, qui se mettent en danger, eux et leurs moyens de subsistance, pour rendre ce monde meilleur. Ils font un travail si inspirant et rendent cette industrie intéressante pour moi et tant d’autres. Ce sont eux qui devraient diriger, être chargés de prendre des décisions et être entendus. Si quelque chose doit changer, alors il ne faut pas que ce soit un “instant”. Il faut que ce soir un mouvement. Il faut que ce ne soit que le début. Je veux finir en répétant quelque chose : j’adore cette industrie. J’adore les jeux vidéo. J’adore faire des jeux. J’adore y jouer. J’adore en parler. Je veux rester ici, avec vous tous qui osez faire le bien, et je ne partirai pas sans me battre41. »

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Sources

  1. https://twitter.com/insomniacgames/status/1275500344936546304
  2. https://www.ea.com/en-gb/news/harassment-statement
  3. https://www.liberation.fr/france/2020/07/10/fini-de-jouer_1794006
  4. https://kotaku.com/ubisoft-employees-have-grave-concerns-over-toronto-stud-1844277486
  5. https://www.numerama.com/politique/632123-une-ambiance-de-boys-club-horrible-lindustrie-francaise-du-jeu-video-est-toujours-aussi-sexiste.html
  6. Ibid.
  7. Ibid.
  8. Ibid.
  9. https://ubistatic-a.akamaihd.net/0078/ug/UBI2020_URD_FR_MEL_DEF_20_06_05.pdf
  10. Ibid.
  11. https://www.numerama.com/politique/632123-une-ambiance-de-boys-club-horrible-lindustrie-francaise-du-jeu-video-est-toujours-aussi-sexiste.html
  12. Ibid.
  13. Ibid.
  14. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/07/02/audrey-leprince-on-attend-toujours-le-metoo-francais-dans-l-industrie-du-jeu-video-mais-il-n-arrive-pas_6044956_4408996.html
  15. https://twitter.com/audreyleprince/status/1278780327025090565
  16. https://kotaku.com/ubisoft-employees-have-grave-concerns-over-toronto-stud-1844277486
  17. https://next.liberation.fr/images/2020/07/01/recits-de-harcelement-et-d-agressions-sexuelles-a-ubisoft-les-jeux-video-c-est-fun-on-peut-tout-fair_1793062
  18. https://www.numerama.com/politique/635049-harcelement-sexiste-et-sexuel-a-ubisoft-il-a-tente-de-membrasser-tout-le-monde-rigolait.html
  19. https://www.journaldemontreal.com/2020/07/14/climat-de-terreur-chez-ubisoft-montreal-1
  20. https://plus.lapresse.ca/screens/eebc4575-c2d8-4227-9ad5-50ac66a2cbe3__7C___0.html
  21. https://next.liberation.fr/images/2020/07/01/recits-de-harcelement-et-d-agressions-sexuelles-a-ubisoft-les-jeux-video-c-est-fun-on-peut-tout-fair_1793062
  22. https://www.gamasutra.com/view/news/365769/The_Ubisoft_paradox_How_the_publisher_enabled_a_culture_of_abuse_and_control.php
  23. https://next.liberation.fr/images/2020/07/01/recits-de-harcelement-et-d-agressions-sexuelles-a-ubisoft-les-jeux-video-c-est-fun-on-peut-tout-fair_1793062
  24. https://twitter.com/jasonschreier/status/1276533429815910402
  25. https://twitter.com/jasonschreier/status/1276536010214703109
  26. https://news.ubisoft.com/fr-fr/article/7yV2TRI9Zj3G545bnoc3ub/le-changement-commence-aujourdhui
  27. https://www.liberation.fr/france/2020/07/10/fini-de-jouer_1794006
  28. Ibid.
  29. Ibid.
  30. Ibid.
  31. https://next.liberation.fr/images/2020/07/01/recits-de-harcelement-et-d-agressions-sexuelles-a-ubisoft-les-jeux-video-c-est-fun-on-peut-tout-fair_1793062
  32. https://www.numerama.com/politique/637950-je-suis-vraiment-desole-le-pdg-dubisoft-sexcuse-pour-la-premiere-fois-apres-les-scandales.html
  33. https://www.eurogamer.net/articles/2020-07-23-after-weeks-of-devastating-sexual-harassment-allegations-ubisoft-boss-yves-guillemot-is-asked-how-much-he-knew
  34. https://www.businessinsider.com/ubisoft-faces-new-allegations-of-sexual-harassment-and-toxic-culture-2020-7?r=US&IR=T
  35. https://www.liberation.fr/france/2020/07/10/fini-de-jouer_1794006
  36. https://www.businessinsider.com/ubisoft-faces-new-allegations-of-sexual-harassment-and-toxic-culture-2020-7?r=US&IR=T
  37. https://www.numerama.com/politique/635193-toi-je-sais-que-tu-veux-ma-bite-a-ubisoft-monde-qui-protege-les-femmes.html
  38. https://www.gamesindustry.biz/articles/2020-07-06-we-need-a-movement-to-tackle-systemic-abuse-not-a-moment-opinion
  39. Ibid.
  40. Ibid.
  41. Ibid.