The Legend of Zelda – Ocarina of Time

Cet article est une retranscription du chapitre 12 du livre L’Histoire de Zelda, publié en 2017 aux éditions Pix’n Love. Il est de fait exceptionnellement proposé en accès libre. Ce chapitre, racontant comment The Legend of Zelda – Ocarina of Time a été accueilli, fait suite à deux chapitres racontant comment s’est déroulé son développement à partir des témoignages de l’équipe, et précède un chapitre analysant son héritage dans l’industrie du jeu vidéo.

 

 

Début 1999, comme de nombreuses publications, le magazine américain EGM présente sa liste des plus grands jeux de 1998, année entrée depuis dans la légende : « Si quelque chose résume bien les prix des rédacteurs et des lecteurs, c’est le commentaire que Colby Carter, habitant Moraga en Califonie, a écrit sur son bulletin de vote : “Zelda devrait gagner tous les prix, y compris ceux des meilleurs jeux PlayStation et Saturn. Et puis zut, donnez tout simplement à Zelda le prix du meilleur jeu à tous les niveaux1.” »

Ce courrier donne un bon aperçu du climat général à l’époque de la sortie d’Ocarina of Time. Rares sont les œuvres à avoir suscité un engouement aussi unanime. Oh, bien entendu, il y a toujours, de temps à autre, un soft remportant un incroyable succès critique. Mais Ocarina of Time demeure un cas singulier, car l’enthousiasme à son égard n’a même pas attendu sa commercialisation pour devenir disproportionné. Bienvenue dans la revue de presse du jeu vidéo le mieux noté de l’histoire.

Sitôt dévoilé, déjà adulé

Ocarina of Time est annoncé en novembre 1995 et réapparaît un an après au même salon : le Space World, organisé par Nintendo au Japon. Les informations dévoilées sont alors très légères, et il faut attendre la fin d’année 1997 pour que la communication démarre vraiment. Pourtant, la presse ne tarde pas à multiplier les compliments dans ses previews, d’abord en se fondant uniquement sur les rares images et vidéos.

 

 

« La fluidité des animations ainsi que les nombreux effets d’ombre et de lumière portent l’ensemble à un niveau encore jamais vu2 », s’exclame par exemple le magazine Joypad dans son numéro de janvier 1997, avant de s’autoriser à émettre des pronostics. « Soyez sûr que la version def’ de ce titre devrait être un pur chef-d’œuvre. Ne l’oubliez surtout pas3 ! »

Ces phrases plantent le décor. Deux ans avant sa sortie, tout le monde parie déjà sur un grand jeu, comme si c’était l’évidence même. « Zelda 64 devrait être un chef-d’œuvre d’action-aventure et chaque news fraîche nous en apporte la confirmation4 », affirme Super Power au début de l’année 1997. « Tout comme vous, on a la tremblote à la simple vue des nouvelles images de ce qui sera de toute évidence un classique du genre, un hit, une merveille, un joyau, une bénédiction5 »

Il faut dire qu’il y a un précédent de taille : Super Mario 64. Le jeu de Miyamoto a tellement bouleversé l’industrie que chacun est persuadé que le nouveau Zelda fera encore mieux. « Si Nintendo peut réinventer le monde de la princesse Zelda et du héros Link de la même façon qu’ils l’ont fait avec l’univers de Mario, alors nous nous dirigeons vers le nirvana vidéoludique6 », écrit la publication britannique CVG. Très vite, Ocarina of Time obtient la réputation d’être l’une des œuvres les plus désirées de l’histoire. « Zelda 64 est sans doute le plus attendu des derniers titres développés sur N647 », affirme le magazine officiel de Nintendo en Australie. « Zelda 64 doit être l’un des jeux vidéo les plus attendus de tous les temps8 », renchérissent les Anglais d’Edge dans le numéro de janvier 1998.

« Il n’y a aucun doute là-dessus, Zelda va relever le niveau en matière de scénario, de jeu et de réalisme à des hauteurs que les joueurs n’ont même pas envisagées, écrit le mensuel américain Ultra Game Players à la fin de l’année 1997. Oui, cela peut sonner comme de l’optimisme exagéré, mais Super Mario 64 est allé au-delà de nos rêves les plus fous, et Zelda est tenu de faire de même. Nous sommes confiants9. » La publication oppose le jeu de Nintendo à un autre qui défraie la chronique sur PlayStation : « Peu importe la façon dont vous le regardez, il est évident que Zelda 64 est un achat obligatoire. Prends garde, Final Fantasy VII10. »

Première prise en main

Après la démo technique du Space World de 1995 et les courtes vidéos de celui de 1996, l’édition 1997 est enfin la bonne. Fin novembre, la presse mondiale est conviée à Tokyo pour se rendre au salon et mettre la main sur une version jouable d’Ocarina of Time. C’est un triomphe.

« Depuis que les première images ont été dévoilées, l’attente a augmenté et les espérances se sont accrues à un niveau sans précédent – et irréaliste pour beaucoup, analyse le magazine Edge. Pourtant, à en juger par la démo jouable montrée lors du récent salon Space World, Nintendo pourrait bien avoir surpassé jusqu’aux souhaits individuels les plus exigeants11. »

Comme souvent, la France démontre sa capacité à s’extasier davantage encore que les magazines anglophones. « Dès l’entrée du salon, je suis tombé sur une version jouable de Zelda, qui tournait sur une trentaine d’écrans, raconte Console + via son rédacteur en chef. Tu le crois ça ? J’avais la bave aux lèvres et les yeux qui me sortaient de la tête12 ! » Quelques lignes plus loin, la publication détaille ses impressions : « Alors que les combats en 3D sont souvent confus et qu’il est difficile de rester dans l’axe de son adversaire, dans Zelda, les affrontements sont parfaits. L’astuce consiste à locker le point faible de votre adversaire pour pouvoir ensuite avancer, reculer ou vous déplacer sur les côtés tout en restant dans son axe. Une idée aussi simple que géniale, qui offre une jouabilité 2D dans un jeu en 3D13 ! »

« Tout se joue à l’instinct, témoigne Player One, comme les déplacements de Link au paddle, et on fait rapidement corps avec lui… La claque14 ! » Son dérivé consacré uniquement à la console de Nintendo, 64 Player, va encore plus loin : « Essayer Zelda 64 est une expérience quasi mystique15. » Quant au Nintendo Magazine, il ne s’embarrasse pas de descriptions compliquées : « C’est vachement-super-extra-dément bien16 ! »

Outre la jouabilité, c’est le graphisme qui bénéficie d’un emballement général. « Les scènes extérieures sont très nombreuses et la 3D ne faiblit à aucun moment, conservant une stabilité déconcertante, décrit Consoles +. Les animations de Link sont très variées et caractérisent bien le souci du détail présent partout : les personnages vont jusqu’à vous suivre du regard, et Link bouge les yeux en même temps qu’il avance. Bref, cette réalisation signée Miyamoto écrase tout ce que l’on connaissait17. » Même son de cloche chez Player One : « Visuellement, Zelda 64 est une véritable tuerie. Mouvements de caméra à gogo, 3D impeccable et animations hyperréalistes vous scotchent à l’écran18 ! » « On avait beau se douter que le jeu était extraordinaire, écrit le Nintendo Magazine, nous avons été complètement ébahis. Zelda pulvérise littéralement tout ce qui s’est fait dans le genre à ce jour19. »

Autre exemple de cette liesse prélancement : un dossier du magazine américain EGM de mai 1998 sur les RPG à venir. « Si FFVII a lancé la révolution RPG, c’est sûrement Zelda qui va l’amener à son firmament. Avec un développement dirigé par Shigeru Miyamoto, il contient probablement plus d’innovations de gameplay que le cumul des autres jeux présentés dans ce dossier20. »

« Ce sont les subtilités de Zelda – en dehors de son excellence graphique évidente – qui vont vraiment le placer à part de tout autre action RPG, poursuit la publication. La scène du cheval, souvent évoquée, est unique en elle-même, mais le plus important concerne le système de contrôle qui va devenir un tournant dans l’histoire des RPG. La simplicité de sa conception – boutons d’action sensibles au contexte, caméra “lock” améliorant la visibilité des combats – sera sans doute copiée par des jeux similaires avant la fin de l’année21. » L’article conclut sur le statut particulier, sacralisé, de l’œuvre de Nintendo face à toutes les autres. « Si un RPG peut être décrit comme “révolutionnaire”, alors c’est lui. Tandis que les autres jeux dans ce dossier sont présents en raison de leurs différentes approches de l’histoire, de la mise en scène et du combat, Zelda prend une formule éprouvée et la chamboule22. »

Chez CVG, on assure qu’Ocarina of Time fait « passer tous les précédents jeux du genre pour des aventures en carton23 ! » « On a joué Zelda sur N64, et c’est mieux que ce que quiconque pouvait prévoir », annonce le magazine. Pour Ultra Game Players, il s’agit de « l’aventure d’une vie ». « Regardez ce jeu vidéo. Nintendo a l’intention d’en faire le plus grand jamais créé, et il semble que Miyamoto va à nouveau réussir son coup. Un exploit en matière de conception et programmation24. »

La dernière ligne droite

Ocarina of Time s’impose logiquement comme la principale attraction de Nintendo pour l’E3 de 1998, où il fait sensation. « La popularité de Zelda reste plus forte que jamais25 », souligne Edge, qui évoque des queues très longues avec lesquelles seul Metal Gear Solid rivalise. Player One contredit toutefois ces informations, s’étonnant qu’il soit possible de prendre la manette après une poignée de minutes. « Les files d’attente étaient même ridicules comparées à celles de Mario 64 deux ans auparavant26 », témoigne le magazine, par ailleurs admiratif : « C’était une sorte d’émerveillement, la concrétisation d’un rêve de millions de joueurs. Et, malgré tout ce qu’on avait pu nous en dire, on ne pouvait s’imaginer pareille réussite. […] Que tous ceux qui ont douté de Zelda 64 se flagellent car le soft va en clouer plus d’un au sol27. »

La démonstration de l’E3 propose quatre parties : une balade dans le village Cocorico, la découverte de la plaine et de son ranch, l’exploration d’un donjon, et un affrontement avec un boss. Ocarina of Time fait l’objet d’un consensus : « Sans le moindre doute, [Zelda] va devenir LE jeu à avoir en 199828 », résume EGM.

S’ensuite une couverture monumentale jusqu’à la sortie. « Nouveau mois, nouveau lot d’images de Zelda 64, écrit Edge dans son numéro d’août. Peu de jeux peuvent se vanter de voir autant de leurs screenshots publiés dans la presse spécialisée que la prochaine épopée de Nintendo. Elle détient en effet le record actuel du nombre d’apparences dans la section Alphas de Edge. Mais il faut dire que peu de jeux sont comme Zelda29… »

« Jamais un titre sur Nintendo 64 n’aura fait autant parler de lui, s’enflamme le Nintendo Magazine français. Avant même sa sortie, Zelda 64 est déjà considéré comme LE jeu d’aventure le plus abouti, toutes consoles confondues30. » L’omniprésence du soft dans la presse approche le ridicule. Moult publications lui accordent au minimum une page dans plusieurs numéros d’affilée. Tout est prétexte à le remettre en avant, et le feuilleton de l’année porte sur la date de sortie. « Jamais un jeu n’aura été aussi attendu… Et autant repoussé, écrit X64. Jamais un jeu n’aura autant éclipsé tout le reste. Désormais, il y aura l’avant et l’après-Zelda. Cela ne fait plus aucun doute31. »

Ces retards constituent le principal sujet de discussion dès le début de l’année. Dans son numéro de janvier 1998, le magazine Joypad met cette interrogation en couverture : « Zelda 64, sortira-t-il vraiment un jour ? » Prévu initialement pour la fin 1997, le jeu enchaîne les décalages. Nintendo parle d’un lancement au Japon en février, puis au printemps, à l’été et à la fin 1998. De quoi nourrir les critiques. Edge évoque un temps « désespérément long32 ». Et les développeurs subissent parfois directement les reproches, comme en témoigne Shigeru Miyamoto. « Nous venions d’annoncer le report pour Ocarina of Time et je me rendais dans une épicerie, raconte le producteur en 2001. Le vendeur m’a reconnu et m’a demandé : “Vous ne seriez pas M. Miyamoto ?” J’ai acquiescé. “N’êtes-vous pas censé travailler sur Ocarina of Time en ce moment ? Que diable faites-vous ici33 ?” »

Mais certains défendent le choix de Nintendo. « Est-il possible qu’un jeu aussi attendu que Zelda puisse être à la hauteur des espérances ?, s’interroge Next Generation dans son numéro d’avril. Il faut souligner que Nintendo ne nous a pas encore déçus avec une mise à jour de ses franchises majeures. En fait, Next Generation considère le récent report comme un signe positif. Nintendo continue apparemment de respecter ce mantra que nous avons vu par le passé sur le mur d’un studio de développement : “Un jeu en retard ne l’est que jusqu’à sa sortie. Un mauvais jeu l’est jusqu’à la fin des temps.” Nous applaudissons Nintendo pour cela34. »

Dans l’ensemble, les critiques se font tout de même rares face à la maîtrise de Nintendo. « Au vu des niveaux présentés, on pardonne tous les retards35 », déclare Consoles + après avoir testé la version de l’E3. « Certains d’entre nous ont aujourd’hui peur de ne pas vivre assez vieux pour connaître la perfection vidéoludique36 », écrit X64 peu de temps avant le salon.

« [Zelda] est en train de devenir l’un des plus grands événements jeux vidéo de la décennie, sinon de l’histoire, avance EGM dans son numéro de novembre. Nous avons enfin eu la possibilité d’essayer la version américaine et tout ce que nous pouvons dire est : “Wow.” Assurez-vous d’être là le mois prochain, lorsque nous allons pousser les portes de ce qui sera sûrement la plus grande aventure de Miyamoto à ce jour37. »

X64 témoigne à nouveau de cette ambiance alors que la sortie approche : « Tout le monde devient très fébrile, les choses s’accélèrent38. » Et en effet, la commercialisation déchaîne les foules, du simple consommateur jusqu’aux journalistes.

L’heure du verdict

« Il ne fait aucun doute qu’au sein de la rédaction d’Hyper, écrit le magazine britannique, chacun a des avis divergents, surtout en ce qui concerne son support favori. Mais quand The Legend of Zelda – Ocarina of Time est arrivé dans nos locaux, tout le monde a littéralement tout abandonné et mis de côté ses différences pour faire la queue afin d’y jouer. Après des heures et des heures de découverte et de combats pour savoir qui allait être le prochain à prendre la manette, nous sommes arrivés à un consensus : Ocarina of Time est le plus excitant RPG jamais sorti sur console39. »

Les mots sont lâchés. Allons droit au but : l’agrégateur Metacritic établit la note moyenne d’Ocarina of Time à 99 %, un record. Son concurrent Gamerankings (détenu par la même société) le positionne un peu moins haut, mais ce Zelda y conserve néanmoins son statut de jeu le mieux noté de l’histoire pendant presque une décennie, avant que Super Mario Galaxy (2007) ne le remplace.

Nintendo se refuse à envoyer des copies en avance à la presse, pour éviter le piratage, dit-on. Mais l’entreprise propose d’essayer la version finale quelques semaines avant la sortie. Sur le Vieux Continent, le rendez-vous a lieu en Allemagne, à proximité du quartier général de Nintendo Europe. « Un bus nous a transportés parmi les rues de Francfort à l’architecture magnifique puis vers des bois où se trouvait un petit village d’aspect médiéval, dans l’esprit de ceux que l’on retrouve dans le jeu, raconte le magazine français X64. Après maintes hypothèses fantaisistes, la raison principale de notre venue jusqu’à ce lieu se faisait plus évidente. Une bâtisse aux allures rustiques abritait de nombreuses consoles où était inséré l’objet de notre désir. À l’intérieur, les murs recouverts d’épées et de hallebardes plongeaient, un peu plus, les joueurs dans l’ambiance. » À l’époque rédacteur en chef de Consoles +, Alain Huyghues-Lacour se souvient bien de cet événement : « C’était la meilleure présentation presse que j’ai eue de toute ma carrière, et je peux vous dire que j’en ai vu. Celle-là était extraordinaire. […] On avait l’impression de débarquer à Hyrule40 ! »

Chez les Américains d’EGM, le numéro de janvier 1999 met Zelda en valeur avec un dossier de quinze pages. Celui-ci est concocté à partir d’un press tour similaire à celui organisé en Europe, qui s’étend sur deux jours. Mais le magazine est bouclé au début du mois de novembre, sans fournir de test pour Ocarina of Time, comme le souligne l’édito : « Malheureusement, vous avez pu remarquer que nous n’avons pas testé Zelda dans ce numéro comme c’était initialement prévu. Eh bien, nous sommes tout aussi mécontents que vous. Du fait de la politique stricte de Nintendo sur l’envoi de jeux à la presse avant la sortie (pour faire simple, ils ne le font pas), nous n’avons pas été en mesure d’obtenir le soft à temps pour que toute l’équipe puisse donner son avis41. »

Vient enfin le verdict. Le bal des notes parfaites débute. Les premiers échos arrivent du Japon, où Ocarina of Time décroche un 40/40 de la part de Famitsu, ce qui est loin d’être anodin. L’hebdomadaire nippon, qui accumule déjà plus de douze années d’existence, n’a précédemment jamais attribué un tel score. « C’est le premier 40/40, à une époque où non seulement Famitsu était le magazine de jeux vidéo le plus populaire, mais aussi où il n’avait pas encore choisi de devenir une sorte de porte-parole de l’industrie et avait donc un point de vue plus indépendant, décrypte Christophe Kagotani, alors correspondant au Japon pour Consoles + et contributeur régulier à Famitsu. Les 40/40 qui ont suivi, en particulier ceux qui sont récents, peuvent difficilement être comparés à celui d’Ocarina. Parce que tous les joueurs ou presque lisaient Famitsu, sa portée était importante42. »

En France, Consoles + lui accorde un 100 %. « La note ultime pour le meilleur jeu du siècle43 », dit la conclusion de l’article. Le rédacteur en chef Alain Huyghues-Lacour en parle comme de la première note parfaite de l’histoire de sa publication, en dépit du 150 % de Donkey Kong Country en 1994. « C’est vrai qu’on s’était un peu emballés à l’époque44 », reconnaît-il au sujet du jeu de Rare sur Super Nintendo. Géré par la même rédaction, Nintendo Magazine accorde justement à Ocarina of Time une note de 105 %, comme s’il était indispensable que le magazine spécialisé Nintendo donne un meilleur score que le généraliste console. « Les 5 % supplémentaires sont là pour exprimer la magie qu’aucun terme ne pourrait traduire, ce sentiment de bonheur indescriptible que procure Zelda45 », justifie l’article.

« Zelda n’est pas un jeu comme les autres, affirme Player One. Nous espérons que ce dossier saura vous en convaincre46. » La publication lui consacre un test de pas moins de seize pages, qui inclut un entretien avec le traducteur français. Soit davantage que Joypad et Consoles +, qui lui dédient respectivement dix et huit pages. Mais la palme française revient à Gameplay 64, avec vingt-huit pages !

Les Anglais de N64 Magazine, à l’occasion de la présentation à Francfort, mettent quant à eux les pieds dans le plat. « C’est bon, calmez-vous, il est là. Il est vraiment là. Mais peut-il être le Plus Grand Jeu De L’HistoireTM ? Oooh, voilà une vraie question47. » Le mois suivant, au moment du test, la publication rappelle la longue attente, ces trois années de développements jalonnées de retards, et se demande : cela en valait-il la peine ? « Voyons les choses ainsi. Pas un seul de ces 1095 jours n’a été gaspillé. Le sommeil mis de côté, les 26 280 heures utilisées étaient incontestablement essentielles. Et, de manière incroyable, les 1 576 800 minutes de temps de développement de Zelda ont chacun permis la création et le polissage d’un jeu si parfait, si finement élaboré, si déterminé à muer des hommes fiers et blasés en innocents aux yeux écarquillés, que nous allons bêtement lever nos mains en l’air pour en taper cinq afin de se féliciter que Shiggy ait été autorisé à peaufiner Zelda jusqu’au moment où, bah, il était terminé48. »

Et c’est un flot de louanges qui s’abat sur Nintendo. « Un chef-d’œuvre indispensable et magique49 », selon Player One. « Assurez-vous d’acheter ce jeu à tout prix, ou vous allez passer à côté d’un morceau de l’histoire du jeu vidéo50 », ordonne CVG. « Il faut se rendre à l’évidence, Zelda est une perle51 », affirme Games Master, qui parle d’un gameplay « génial, pur, non dilué, non altéré. » « Le meilleur jeu de ce millénaire est arrivé, et il dépasse l’imagination52 », certifie le Nintendo Magazine français.

« Posséder une machine Nintendo n’a jamais signifié autre chose que d’avoir accès aux meilleurs jeux vidéo, considère Next Generation. Et Zelda – certainement la plus grande réussite de Nintendo jusqu’à présent – mérite d’être le jeu vidéo préféré de la planète53. » L’ingéniosité, la supériorité même, de Nintendo sont régulièrement soulignées. Avec cette conclusion qui semble revenir sans cesse : oui, ce jeu justifie l’achat de la Nintendo 64. Edge théorise sur l’ampleur de ce que prouve ce nouveau Zelda : « Que Miyamoto ait passé plus de temps sur ce projet que d’autres moins ambitieux comme Mario Kart 64 et Yoshi’s Story est flagrant. Ocarina of Time s’impose comme le plus grand accomplissement de l’histoire des studios de Nintendo, et constitue à lui seul une raison suffisante d’acquérir une Nintendo 64. Mais plus important encore, ce jeu restaure la foi envers la puissance créative de Nintendo et envers les possibilités du jeu vidéo en tant que média de divertissement. Une œuvre de génie54. »

« Il est immédiatement accessible, mais surprend par sa profondeur, confirme son confrère britannique Arcade. Il est glorieusement mignon, tout en réussissant à être sans doute le jeu le plus sophistiqué et mature de tous. C’est une expérience riche, émotive, qui a été conçue avec une telle intelligence et un tel amour (oui, amour !) qu’il est presque impossible de ne pas tomber profondément sous son charme. Essayer de résister reviendrait à scier la branche sur laquelle on est assis. Le meilleur jeu de l’histoire ? Eh bien, oui. Et si vous n’avez pas de Nintendo 64 ? Allez en acheter une. Croyez-moi, cela en vaut la peine55. »

De la difficulté de définir l’exceptionnel

« Les créateurs sont parvenus à prendre tout ce qui était génial dans les Zelda en 2D – l’exploration, les énigmes, les donjons, l’abondance de secrets, etc. – et l’ont transposé dans une 3D impeccable, analyse l’un des testeurs d’EGM. Le monde, gorgé de détails somptueux, est tellement vaste et immersif que vous allez constamment vous surprendre à perdre la trace de la réalité56. » « Ce qui m’impressionne le plus avec Zelda, c’est à quel point je me sens satisfait après l’avoir terminé, assure son collègue. Il en met plein la vue à tellement de niveaux. Au-delà de l’aventure épique, vous trouvez tellement d’activités annexes et d’énigmes que vous ne vous ennuyez jamais. Et les donjons sont des chefs-d’œuvre en matière de level design. Bon sang, même regarder le soleil se lever sur les terres d’Hyrule me remplit d’admiration57. » « Est-ce le plus merveilleux titre jamais réalisé ?, s’interroge un troisième journaliste d’EGM. Très probablement. Seul Miyamoto semble être en mesure de ressusciter l’enfant qui vit au plus profond de nous, ce qui nous permet de profiter de ses jeux exactement comme il l’a prévu. C’est une expérience incroyablement agréable, impossible à pratiquer sur de courtes sessions… Vous serez tellement emporté que vous y jouerez pendant des heures58. »

Le magazine américain, dont chacun des quatre testeurs a décerné un 10/10 à Ocarina, est symptomatique du traitement dont le jeu fait l’objet. Chacun décrit, point par point, ce qui fait sa grandeur, mais rares sont ceux qui parviennent à aller au-delà. « D’ordinaire, l’évaluation des qualités esthétiques d’un jeu sont divisées en sous-catégories telles que les graphismes, le son, la musique, et ainsi de suite, resitue Hyper. Cependant, utiliser cette méthode pour Zelda serait une grossière et excessive simplification de l’expérience qui est offerte59. »

Alors, certains avouent leur impuissance à définir l’ineffable. « Il est assez difficile d’exprimer à quel point ce jeu est important et incroyable60 », déclare Gamers Republic. Et selon N64 Magazine, « le mot décrivant [Ocarina of Time] n’a pas encore été inventé, parce qu’il y a trop d’aspects qui en font le meilleur jeu de l’histoire, et aucun adjectif ne peut tous les englober. C’est une irréprochable fusion d’innombrables éléments qui ne peuvent être mesurés, traversés par un génie si constant que les mots “genre” et “jeu vidéo” n’ont plus de pertinence ou de sens61. » « Aussi simpliste que cela puisse paraître, tente de conclure la publication, Zelda est grandiose parce que Nintendo est parvenu à maîtriser l’aspect le plus évasif d’un jeu vidéo – la sensation d’un jeu Zelda62. »

La leçon de Nintendo

En définitive, là où la presse parvient le plus facilement à mettre en évidence la supériorité d’Ocarina of Time, c’est lorsqu’elle s’attarde sur son caractère révolutionnaire. « Il va sans aucun doute imposer un nouveau standard au sein de la communauté du jeu vidéo63 », pronostique Gamers Republic. « Davantage encore que Super Mario 64, [Ocarina of Time] constitue le jeu en 3D tel qu’il devrait être, procurant une liberté de mouvement et de combat inégalée, offrant un défi impeccablement équilibré au sein d’un monde merveilleusement réalisé, assure N64 Magazine. C’est un obstacle presque insurmontable pour ceux qui essaieront inévitablement de le copier. Et qui échoueront64. »

Le sentiment d’une démonstration de force, réduisant la concurrence au statut d’apprenti, est souvent cité. Comme s’il était indubitable que personne ne pourrait rivaliser avec un tel résultat. « Il y a suffisamment d’idées vraiment brillantes et originales dans Ocarina of Time pour inciter même les plus talentueux concepteurs de jeux non-Nintendo à faire preuve d’humilité pendant des mois65 », écrit Arcade.

« Nous pensons que Zelda sera comparé à Mario : un soft qui transporte l’idée générale du jeu vidéo dans une nouvelle direction, et établit des normes à suivre pour n’importe quel développeur, déclare N64 Magazine. C’est probablement le meilleur jeu Nintendo 64. Oh, que diable ! Le meilleur sur n’importe quel support. Voilà, on l’a dit. Veuillez envoyer vos réclamations à l’adresse habituelle66. »

Ainsi revient sans cesse ce jugement, presque facile : Ocarina of Time surpasse tout ce qui l’a précédé. Il devient l’alpha et l’oméga, la référence absolue, l’œuvre immanquable. Le meilleur jeu de l’histoire, tout simplement. « Un journaliste américain a déjà décrit Ocarina of Time comme “le Autant en emporte le vent des jeux vidéo”, rappelle N64 Magazine. Ce n’est pas seulement cela, c’est également le Guernica, le Guerre et Paix, le Citizen Kane. Envisagez Super Mario 64 – aussi brillant soit-il – comme un simple croquis, une ébauche. Ceci constitue l’œuvre terminée, un portrait si exquis qu’il sera analysé, étudié et surtout apprécié pendant des années. Rien ne s’en rapproche. Le jeu du siècle ? Croyez-le67. »

L’arme fatale

On imagine les développeurs ravis au moment de lire ces critiques dithyrambiques, bien qu’ils en parlent rarement. Miyamoto se fait tout de même prendre en photo avec la page du 40/40 de Famitsu à la main et un sourire radieux. Mais d’autres se délectent sans doute aussi de ce traitement médiatique : les gestionnaires qui ont misé sur la réussite d’Ocarina of Time, arme massive dans leur course aux résultats.

Dans un bilan sur le marché des consoles publié à l’été 1998, le magazine Next Generation insiste sur l’importance de Zelda et sur la nécessité qu’il ne manque pas le rendez-vous de la fin d’année. « Le président Howard Lincoln l’a reconnu à l’E3 de cette année, mais a soutenu que Zelda, prévu pour novembre, aura le même effet revigorant sur Nintendo qu’un film majeur sur un studio de cinéma en plein marasme68. » « Je suis convaincu que nous n’allons pas avoir de problèmes [supplémentaires] de retards avec Zelda, assure le dirigeant de Nintendo of America. Vous savez, M. Miyamoto sait et nous savons tous que Zelda est essentiel69. »

À l’ECTS, le salon britannique de l’époque, le même Howard Lincoln souligne à nouveau la grandeur du soft. « C’est un chef-d’œuvre réalisé par un maître, il représente un bon énorme en matière de créativité et, quand les joueurs le pratiqueront, ils verront qu’il établit un standard de qualité très, très élevé pour toute la concurrence. […] Vous savez, les gens qui ont joué à Zelda à la conférence ont pensé que nos objectifs de ventes – nous voulons en écouler au moins 2 millions aux États-Unis entre le 23 novembre et le 31 décembre – ne sont pas assez élevés70. »

Au Japon, le démarrage d’Ocarina of Time est impressionnant. Il approche les 400 000 ventes en seulement deux jours, explosant le précédent record pour un lancement de jeu Nintendo 64 sur l’archipel qui remonte à… la sortie de la console, en 1996, avec Super Mario 64 et ses 160 000 cartouches. La machine en bénéficie grandement : oscillant entre 5 000 et 8 000 exemplaires par semaine pendant les mois de septembre, octobre et novembre 1998, elle s’écoule à 57 000 unités pour l’arrivée du nouveau Zelda et frôle les 200 000 pendant le mois de décembre.

Des rédacteurs de Gamespot, présents le jour de la commercialisation nippone, témoignent de l’ampleur du phénomène. « À Shinjuku, l’un des quartiers les plus fréquentés de Tokyo, les magasins où nous nous sommes rendus n’avaient plus de cartouches de Zelda à midi. Tout avait été vendu dans les deux heures qui ont suivi l’ouverture. À Akihabara, où vous pouvez acheter pratiquement n’importe quel jeu vidéo existant, la plupart des magasins étaient également en rupture de stock à midi71. »

« La Nintendo 64 n’était pas perçue comme la console de sa génération, analyse le journaliste Christophe Kagotani. Je crois que Nintendo n’avait pas produit un nombre suffisant d’exemplaires. Les joueurs le craignaient et ont fait la queue pour être sûrs de l’avoir le jour J. La note de Famitsu a certainement eu l’effet de braquer les projecteurs sur un support qui n’était pas le plus populaire72. »

La situation est similaire en Europe, où la Nintendo 64 est tout autant à la peine qu’au Japon. Mais le Vieux Continent n’est pas privilégié pour cette sortie mondiale, événement que l’industrie n’est pas encore habituée à gérer. « Au cas où vous ne le sauriez pas, il n’y avait pas assez d’exemplaires de Zelda dans les magasins à temps pour Noël, raconte le magazine CVG dans son numéro de février 1999. La situation était si mauvaise que des rixes ont éclaté dans certains magasins73. »

La publication parle ainsi de 250 000 exemplaires commandés par le distributeur de Nintendo au Royaume-Uni, qui n’en reçoit finalement que 100 000 et ne parvient à en fourni que 62 000 pour le lancement. Il est alors question de 61 232 achats lors du premier week-end, selon Chart-Track. À cause de son approvisionnement limité, Ocarina of Time arrive en deuxième position du classement hebdomadaire britannique, devancé par FIFA 99. Mais quand davantage de jeux sont acheminés, ses ventes progressent pour dépasser les 100 000 unités écoulées la semaine de Noël74, un record à l’époque, toutes plates-formes confondues. La pénurie le boute ensuite hors du top 10, mais il regagne la première place à la mi-janvier et se maintient dans le top 5 pendant environ un mois, avant que l’effet ne s’estompe.

Le phénomène est identique, voire plus important, en France. « Lara Croft n’en est toujours pas revenue, écrit le journal Le Monde au début de l’année 1999. La sculpturale héroïne de Tomb Raider n’est plus la star incontestée des jeux vidéo ; la voici détrônée, en quelques jours, par un petit bonhomme vêtu de vert, tout droit sorti de l’univers chimérique des légendes de l’enfance. Il s’appelle Link et a mis, depuis onze ans, son épée au service de la princesse Zelda75. »

Le quotidien relève ainsi la situation de rupture de stock qui a également touché l’Hexagone, avec 80 000 cartouches pour son lancement et plus de 200 000 avec Noël. « Nintendo a promis un réassort pour la mi-janvier, écrit le journal, mais certains auront su tirer profit de la pénurie. Alors que le jeu était annoncé à 429 F prix public, certains revendeurs le proposaient à 590 F. D’autres le réservaient aux acheteurs de la console Nintendo 6476. » Ocarina arrive en douzième position du classement annuel de GfK, devant les softs sortis bien plus tôt dans l’année comme Tekken 3 ou Resident Evil 2. C’est, avec GoldenEye 007 ; dix-septième, la seule exclusivité Nintendo 64 du top 20 de 1998.

Mais Ocarina of Time impressionne surtout aux États-Unis, territoire où la Nintendo 64 connaît le plus de succès. Il y atteint le million dès sa sortie et surpasse l’objectif de Nintendo qui est de deux millions avant la fin de l’année. Il s’impose comme la deuxième meilleure vente de 1998, juste devant Gran Turismo et derrière… GoldenEye 007, qui compte à peine plus de 30 000 unités d’avance.

En fin de parcours, Ocarina of Time accumule plus de 3,5 millions d’exemplaires aux États-Unis selon les données de l’institut NPD. C’est davantage que n’importe quel jeu PlayStation et seuls Mario Kart 64, GoldenEye 007 et Super Mario 64 l’ont dépassé lors de cette génération. Au Japon, le total s’élève à approximativement 1,15 million d’unités selon Famitsu, soit le quatrième plus grand hit de la console derrière Mario Kart 64, Super Mario 64 et Super Smash Bros.

Mieux, Ocarina of Time devient le Zelda le plus apprécié au niveau mondial, avec 7,6 millions de copies distribuées, la quatrième plus forte performance sur la console. C’est davantage que le record du premier Zelda (6,5 millions) et c’est surtout 3 millions de plus qu’A Link to the Past, alors même que la Nintendo 64 est à cet instant la console de salon la moins vendue de l’histoire du constructeur.

L’euphorie est telle que Miyamoto et son équipe exagèrent régulièrement ces résultats pourtant excellents, en parlant souvent de plus de 8 millions. Il s’agit sans doute de la seule « contre-performance » du jeu, car après cet incroyablement lancement Nintendo prévoit un temps d’atteindre ce score, avant de constater qu’Ocarina of Time ne résiste pas très bien sur la durée.

Mais le soft tient tout de même quelques mois, et continue notamment à susciter une large couverture médiatique au début de l’année 1999, à l’occasion du marronnier des « Game of the Year ».

Vous en reprendrez bien encore un peu ?

Ah, 1998. L’année de Metal Gear Solid, Half-Life, Baldur’s Gate, Xenogears, Gran Turismo, Fallout 2, Resident Evil 2, Banjo-Kazooie, Parasite Eve, StarCraft, Grim Fandango, Pokémon (en Amérique), F-Zero X, Tekken 3, Suikoden II, Panzer Dragoon Saga, 1080° Snowboarding, Thief : The Dark Project, Unreal ou encore celle de la commercialisation japonaise de la Dreamcast et de son Sonic Adventure. Et, bien sûr, celle d’Ocarina of Time. Pour beaucoup, 1998 est la plus belle année du jeu vidéo.

« 1998 a été remarquable pour l’industrie, écrit alors Edge. Elle restera dans l’histoire comme l’année où ce loisir est véritablement devenu un divertissement de masse, dont on discute dans les cercles sociaux au même titre que la musique, les voitures et le sport. Mais, en plus d’une forte acceptation de la part du grand public, les jeux vidéo ont mûri cette année au point que de nouvelles références se sont imposées les unes après les autres, démontrant que l’ambition et le talent prévalent au sein des créatifs qui animent l’industrie. Naturellement, choisir les plus grands softs de ces douze derniers mois est particulièrement difficile77. » Difficile, mais pas pour toutes les catégories, précise le magazine. Et celle qui pourrait être la plus disputée est celle où la décision est la plus évidente. « Les votes pour Legend of Zelda – Ocarina of Time en tant que meilleur jeu de l’année ont été unanimes78 », déclare Edge.

« Surprise, surprise, The Legend of Zelda – Ocarina of Time récupère le prix du meilleur jeu de l’année, annonce EGM dans son propre bilan. Vous pensiez à quoi d’autre ? L’apocalypse ? Le chef-d’œuvre de Shigeru Miyamoto a conquis le cœur de la rédaction et des lecteurs, et seul Metal Gear Solid a opposé un minimum de concurrence. Pour la petite histoire, Zelda a battu MGS avec un ratio de presque 4 contre 1 dans les votes de nos lecteurs79. »

Du côté des Américains de Gamepro, ce sont uniquement les votes des lecteurs qui déterminent les lauréats, mais la rédaction place ses commentaires après les résultats pour marquer de fréquents désaccords. Duke Nukem – Time to Kill devant Resident Evil 2 dans le domaine de l’action ? Quest 64 devant Parasite Eve pour le meilleur RPG ? Half-Life et StarCraft vaincus par Need for Speed III dans la catégorie PC ? Et puis il y a la question du meilleur jeu console. Zelda arrive premier, suivi par Metal Gear Solid et Resident Evil. « Vous savez quoi ? Nous sommes finalement d’accord sur une catégorie. Les trois jeux ici sont au to à tous les niveaux. Félicitations encore à Ocarina of Time d’être le meilleur des meilleurs80. »

Évidemment, il l’emporte aussi chez Nintendo Power, qui est contraint de demander à ses lecteurs, au moment de voter, d’éviter de primer le nouveau Zelda dans chaque catégorie. « Heureusement qu’on l’a fait81 », assure le magazine a la publication des résultats. Ocarina of Time obtient les prix des meilleurs graphisme, scénario, musique, son et scènes cinématiques, du jeu le plus innovent, de celui qui est le plus varié dans son gameplay, du meilleur jeu d’aventure, du meilleur jeu Nintendo 64 et du meilleur jeu de l’année !

À peine deux mois plus tard, le même Nintendo Power se fait l’écho d’une cérémonie ayant plus de portée, tenue en marge de l’E3. « Des stars du divertissement telles que [le rappeur] Coolio, [l’acteur] Ben Stein et [le boxeur] Sugar Ray Leonard sont venues célébrer les deuxièmes Interactive Achievement Awards annuels organisés par l’Académie des Arts et des Sciences interactifs, mais ils ont tous dû s’incliner face à un homme nommé Miyamoto. Le gala de deux heures a été dominé par des titres N64 pour la deuxième année consécutive. Cette fois, le grand vainqueur a été The Legend of Zelda – Ocarina of Time, qui a remporté toutes les catégories où il était nommé à l’exception d’une, gagnée par Pokémon82. »

La publication imprime une photo du producteur, posant tout sourire avec ses trophées dans les mains. Il en a tellement qu’on a le sentiment que tout va s’écrouler d’une seconde à l’autre. « Vous n’arrêtiez pas de monter et de descendre les marches de la scène pour aller chercher des récompenses dans toutes sortes de catégories83 », se souvient Satoru Iwata en 2011. « J’étais un peu gêné84 », répond Miyamoto.

Aux BAFTA, Ocarina of Time obtient quatre prix, dont les plus prestigieux. Il est également lauréat au Japan Media Arts Festival et auprès d’autres associations comme la MMCA ou l’EMA. Pour tout le monde, c’est une lapalissade : si un jeu mérite les honneurs, c’est celui-ci. Face à tant de réussite, Miyamoto fait preuve de modestie. « Dans une certaine mesure, je prévoyais qu’il s’en sorte bien, mais je suis vraiment reconnaissant qu’il ait eu un tel succès, confie-t-il un an après la commercialisation. C’est vraiment difficile de vendre plus de huit millions d’exemplaires rien qu’avec le talent et les compétences, particulièrement au Japon où la Nintendo 64 est dans une situation défavorable. Après un si long développement, tout le monde s’attendait à ce qu’il soit parfait, donc j’étais un peu nerveux. J’aurais aimé avoir encore trois mois pour le peaufiner85. »

Et pourtant, Ocarina of Time continue à être acclamé comme la référence suprême. Immédiatement après sa sortie, le magazine Next Generation publie un classement des meilleures œuvres de l’histoire qui lui octroie la première place. Ce qui devient une habitude dans toute la presse. Certains l’ont vue venir : « Nous l’admettons : nous sommes amoureux de ce jeu, confie EGM. Il suffit de le lancer et de regarder la séquence d’introduction avec Link chevauchant Epona pour nous donner des frissons. Ocarina of Time est un soft sur lequel on reviendra assurément, encore et encore, au fil des années, bien après que nous avons oublié presque tous les autres jeux sortis en 199886. »

L’Histoire de Zelda – 1986-2000 : naissance et apogée d’une légende est disponible sur le site de Pix’n Love, chez des sites marchands comme Amazon et la Fnac, ou encore chez certains libraires.
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Sources

  1. S.A., « 1998 Gamers’ Choice Awards », Electronic Gaming Monthly, n°117, avril 1999, p. 107.
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  3. Ibid.
  4. S.A., « Zelda 64 », Super Power, n°46, avril-mai 1997, p. 8.
  5. Ibid.
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  10. Ibid.
  11. S.A. « Legend of Zelda Ocarina of Time », Edge, n°54, janvier 1998, p. 38.
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  21. Ibid.
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  84. Ibid.
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  86. S.A., « We say the Game of the year for all system is », Electronic Gaming Monthly, n°117, avril 1999, p. 114.